« Danceoké » à l'Institut suédois : La vidéo-danse par le corps
Elles sont suédoises, elles sont féministes et elles ont la tête pleine d'idées. Les membres du collectif ÖFA regroupent toutes les disciplines artistiques et font une proposition révolutionnaire aux amateurs de danse : Le Danceoké ! Kesako ? Pour parler urbain : C'est un After Work dansant.
À l'occasion de leur première escale parisienne, en mai 2015, Danser Canal Historique a rencontré Anna Wallgren, Kajsa-Lisa Larsson et Stina Michelson, juste avant le premier Danceoké parisien. Elles reviennent le 11 septembre pour remettre ça. Et entre les deux sets on pourra de nouveau profiter du très joli jardin de l'Institut suédois, en plein Marais.
Danser Canal Historique: Comment se déroule une soirée de Danceoké ?
ÖFA : Nous projetons des clips musicaux, mais aussi des extraits de films. Nous sommes trois et nous dansons avec les invités. Nous proposons deux sets de vingt à trente minutes et nous réagissons au public. Nous voyons quels genres de mouvement ils préfèrent. De ce fait, c'est le public qui crée la dramaturgie du spectacle. Quelquefois nous leur lançons des défis, pour les amener à faire des mouvements qu'ils ne connaissent pas encore. Quelquefois nous décidons de simplement leur permettre de s'amuser en dansant des choses qui leur font plaisir.
DCH: A qui s'adresse le Danceoké ?
ÖFA : Le Danceoké convient très bien à des personnes qui n'ont pas l'habitude de danser. C'est très libératoire. Quand on est dedans, on ne réfléchit plus à ce qu'on danse. On n'en a pas le temps. On fait, c'est tout. Quand on danse en club, l'enjeu est souvent de regarder les autres et le regard des autres sur soi. Chez nous, le focus se déplace sur l'écran. On danse sans narcissisme. Chacun(e) danse à sa façon, mais on fait partie de l'ensemble. Il y a des gens en fauteuil roulant, des enfants etc. L'unique enjeu est ce qu'on ressent à l'intérieur de soi. Autre avantage vis à vis d'une soirée en boîte: On n'a pas le temps de se saoûler. C'est pourquoi même des gens qui n'aiment pas sortir en boîte aiment le Danceoké.
DCH: Où peut-on participer au Danceoké ?
ÖFA : En Suède, nous l'organisons souvent au Dansmuseet, le Musée de la danse qui a souhaité transformer son image. Nous y avons déjà un public fidèle qui vient régulièrement. Nous utilisons aussi des vidéos issues de la médiathèque du musée qui est riche en documents visuels sur l'histoire de la danse. Pendant une saison, nous avons travaillé avec une compagnie de danse qui voyage avec un bus pour proposer des spectacles dans de petites villes du pays.
DCH : En France, les festivals de danse proposent souvent des bals, qui sont comme des cours de danse collectifs dans la rue, où on suit une chorégraphie. Mais s'il vous arrive de tourner dans le mauvais sens, vous jetez un grain de sable dans la mécanique d'ensemble.
ÖFA : Au Danceoké, on ne peut pas faire d'erreur ! Chacun décide lui-même de la façon dont il interprète la chorégraphie de la vidéo. D'autant plus que dans la vidéo, il y a souvent plusieurs danseurs, et on choisit librement si on veut suivre la danse des protagonistes ou celle d'un autre personnage. Et puis nous intégrons aussi des chorégraphies avec interaction, pour qu'il y ait aussi de la communication directe entre les gens. Nous-mêmes ne sommes pas sur scène, mais nous dansons avec tout le monde. Il n'y a aucune hiérarchie, ce qui reflète notre façon de travailler au sein de ÖFA.
DCH : Arrive-t-il que des gens forment plusieurs groupes, chacun dansant une proposition différente de la vidéo, ou finissent-ils par tous danser la même chorégraphie ?
ÖFA : Cela dépend des vidéos. Et c'est l'une des choses auxquelles nous réfléchissons quand nous écrivons la dramaturgie d'un set. Pour Paris nous choisissons des chorégraphies plutôt simples, puisque nous savons qu'ici les gens n'ont pas encore l'habitude du Danceoké.
DCH : Comment avez-vous constitué votre répertoire, votre vidéothèque ?
ÖFA : On pourrait penser qu'il suffit de passer une vidéo et les gens vont danser. Ce n'est pas vrai. Pour chaque vidéo nous essayons d'abord nous-mêmes de danser et nous sentons après une minute si le type de mouvement et de présentation vont fonctionner avec le public, ou pas. Quelquefois nous aimons beaucoup un morceau de musique, mais la danse proposée dans la vidéo ne marche pas. Mais nous utilisons aussi des extraits de pièces de danse contemporaine, et même une séquence du Lac des Cygnes ! Tant de gens ont rêvé d'interpréter un ballet. Chez nous, ils peuvent s'y essayer.
DCH : Quelle est la durée d'un morceau pour le Danceoké ?
ÖFA : Le Lac des Cygnes est notre clip le plus bref, d'environ une minute. Il ne faut pas dépasser cinq minutes pour une chorégraphie. Les gens ont envie de changer plus souvent. Nous avons une vidéo de Fatboy Slim, où le gens courent et jouent à être un avion. Nous mettons toujours au moins une vidéo de Beyoncé. Très appréciés : Mick Jagger et David Bowie dans leur version de Dancing in the steet. Et Raffaella Carra fonctionne très bien en Danceoké ! Il y a aussi un extrait d'un film de Bollywood, du Twerk et toujours quelques vidéos comiques.
DCH : Comment fonctionne le collectif ÖFA ?
ÖFA : Au sein d'ÖFA, nous sommes vingt-trois artistes femmes venant de toutes sortes de disciplines. ÖFA crée des spectacles, organise des soirées, publie une revue, des livres et de la musique ou propose des émissions de radio. Nous sommes comme une famille. Et nous avons plusieurs artistes chorégraphiques. Nos débuts en 2004 étaient militants. Nous avons d'abord créé un collectif de femmes pour réfléchir à notre situation. L’une d'entre nous faisait du théâtre. Elle a proposé un projet et obtenu une subvention de 8.000 euros. Pour nous c'était une somme énorme. Du coup il a fallu qu'on crée un spectacle en trois mois ! Naturellement, la pièce était inspirée de tous nos débats militants. Voilà comment nous sommes devenues un collectif d' « artivistes ». Nous réunissons des questions de société et de création artistique. Récemment nous avons créé un spectacle de danse avec des adolescents, après avoir longtemps parlé avec eux. Actuellement nous menons un projet de recherche, avec des chercheurs scientifiques, sur le rapport de la société à ce qui est défini comme "mignon" et comment il se fait que la société est si obsédée par ce concept. Mais nous ne savons pas encore si le résultat sera un spectacle ou autre chose.
DCH : Comment le Danceoké est-il né ?
Nous dansons toujours dans nos spectacles, mais avons finalement créé un spectacle de danse, ÖFA:Dance, où nous avons créé la chorégraphie à partir de clips musicaux. Le but était de développer à l'intérieur du collectif une pratique chorégraphique qui soit accessible à tous les membres. Le but n'est pas de danser aussi joliment que possible, mais d'explorer son propre rapport au mouvement. Le processus est aussi important que le résultat. Ensuite nous avons organisé une fête où nous avons montré les vidéos qui ont servi de source pour le spectacle et nous avons réinterprété les mouvements. Et les gens nous ont dit : Attendez, c'est un tel plaisir, il faut l'ouvrir à tout le monde ! Au résultat, nous avons lancé le Danceoké en 2008. Aujourd'hui nous rencontrons régulièrement des personnes qui sont venues au Danceoké et nous disent qu'elles font du Danceoké au cours de leurs propres fêtes, chez eux.
Thomas Hahn
Danceoké #2 par le collectif ÖFA
11.09.2015 / 19:00 – 21:00
Le tarif de 10€ inclut boissons et snack, ce qui rend la danse elle-même carrément gratuite
Tenue décontractée conseillée
À L'INSTITUT SUEDOIS
11 rue Payenne - 75003 Paris - Tél : 01 44 78 80 20
DANS LE CADRE DES TRAVERSEES DU MARAIS, FESTIVAL DU RESEAU MARAIS CULTURE
Prévente sur www.institutsuedois.fr (vente également sur place à partir de 12h le jour même, dans la limite des places disponibles).
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