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Entretien Emio Greco et Pieter Scholten

Nouveaux directeurs du CCN Ballet National de Marseille, Emio Greco et Pieter Scholten créent Extremalism, une pièce qui réunit les danseurs de la compagnie marseillaise et d'ICK, la compagnie représentant la ville d’Amsterdam dirigée par Greco et Scholten. Nous les avons rencontrés pour en savoir plus quant à leurs projets pour la compagnie et l'école de danse de Marseille.

Danser Canal Historique: Emio Greco et Pieter Scholten, nous n'avons pas encore eu beaucoup de nouvelles concernant votre projet pour développer le Ballet National de Marseille. Il devrait aujourd'hui se dessiner de façon plus précise ?
Pieter Scholten : Nous avons pris nos fonctions en septembre dernier, et notre préoccupation principale du moment est de donner une nouvelle identité à la compagnie. Notre projet artistique part de la pièce Le corps du ballet et du corps des danseurs, s’appuyant sur un travail de formation. Notre approche est nouvelle pour eux. Nous sommes donc dans une phase où il faut investir pour construire l'avenir. En plus, il nous faut réorganiser la structure entière du BNM.

DCH : Quelle est la différence entre l'approche de Frédéric Flamand et la vôtre?
Pieter Scholten : Avec nous, il s'agit d'apprendre plus que des mouvements et une technique. C'est toute une philosophie à laquelle il faut s'ouvrir et avec laquelle il faut faire corps pour créer une compagnie vraiment homogène. Et nous avons accueilli six nouveaux danseurs. Ils viennent de divers pays mais tous ont une formation classique. Nous articulons notre projet autour de deux axes, Le Corps du Ballet et Le corps en révolte, pour dégager de nouvelles pistes pour un ballet du futur.

DCH : Qu'entendez-vous par Le corps en révolte? Est-ce plus qu'un slogan ?
Pieter Scholten : Il s'agit de réfléchir aux liens entre le corps et la société. C'est un projet sur dix ans pour lequel nous sommes en train de bâtir les réseaux institutionnels et artistiques. Nous ne pourrons pas le porter seuls, nous voulons mener nos recherches en collaboration avec d'autres artistes. Nous travaillons sur des projets communs avec d'autres structures marseillaises comme l'Opéra et La Criée et bien sûr KLAP. Nous avons été très bien accueillis par Dominique Bluzet, le directeur du Théâtre du Gymnase, Macha Makeïeff, et Michel Kelemenis, directeur du KLAP. Nous avons l'habitude de ce type de collaboration.
Emio Greco : Nous cherchons une double énergie, sur le ballet dans la ville et la ville dans le ballet. Un ballet qui représente sa ville, de façon reconnaissable et qui est reconnu dans et par sa ville. Nous voulons aussi aller vers des endroits non habituels et rencontrer d'autres types de partenaires et dynamiser les relations avec la ville. Le BNM doit devenir une maison ouverte qui respire avec la ville, pas une maison où certains sont en répétition et qui ferme ses portes à 18h.

DCH : Vous voulez donc tout changer à Marseille ?
Pieter Scholten : Ça manque de danse à Marseille ! Si vous êtes à Lyon et voulez voir un spectacle, vous avez le choix. À Marseille, non. À l'Opéra comme à La Criée, il y a peu de spectacles chorégraphiques en dehors des festivals. Nous voulons donc utiliser notre réseau pour amener plus de danse à Marseille, dans toute sa diversité.
Emio Greco : Nous allons aussi ouvrir l'école à des collaborations avec d'autres institutions. Et notre arrivée rencontre une bonne dynamique. Il y a deux ans, la directrice pédagogique de l'école de danse, Paola Cantalupo, a engagé Omar Taiebi qui a déjà commencé à développer de nouveaux projets. Nous nous connaissons et nous apprécions car nous avons le même désir d'innovation. Ces nouvelles têtes qui viennent d'arriver à Marseille apportent une autre énergie. Macha Makeïeff et les directions du Mucem et du Théâtre du Merlan en font partie. Et le public vient de redécouvrir sa propre ville grâce à Marseille-Provence 2013.

DCH : En effet, Marseille peut devenir un chef-lieu de la danse, notamment avec l'ouverture, encore assez récente, de KLAP Maison pour la danse qui apporte une nouvelle dynamique.
Emio Greco : Du côté du public, la demande existe et le potentiel pour la danse est énorme. Par exemple, Le Silo aussi est intéressé par une programmation danse. Mais ils manquent de possibilités de répétition. C'est un point concret où nous pourrons coopérer. Il y a aussi la Friche Belle de Mai qui nous intéresse.

DCH : Depuis Amsterdam, vous coopérez avec des structures à travers l'Europe. Comment allez-vous intégrer Marseille dans ces réseaux ?
Emio Greco : Il est clair que les CCN doivent s'ouvrir à plus de collaboration à l'échelle internationale, mais aussi qu'il faut que les projets partent de désirs artistiques.  Nous commençons tout naturellement sur l'axe Marseille-Amsterdam, grâce à la première coproduction officielle entre le BNM et ICK. Il s'agit de notre création Extremalism, avec les danseurs de Marseille et d'Amsterdam, dans le cadre du Holland Festival, l'équivalent du Festival d'Automne.

DCH : Votre programme de formation s'appellle Academia. De quoi s'agit-il ?
Pieter Scholten : Ce n'est pas vraiment une école comme P.A.R.T.S., mais plutôt un programme de stages divers, avec une branche formation et une branche recherche qui a créé son propre réseau. C'est un élément très dynamique d'ICK. Nous y organisons actuellement un programme sous le titre "Let's talk about dance", lié aux questions autour de la possibilité de saisir et reproduire la danse, par toutes sortes de technologies. Car il ne faut pas en avoir peur mais au contraire s'en servir pour s'en inspirer.
Emio Greco : Academia offre des résidences de deux ans à de jeunes créateurs qui sont salariés pendant leur période de recherche. Nous allons fédérer ce programme avec l'accueil studio du BNM pour pouvoir offrir des possibilités élargies aux artistes en résidence qui pourront ainsi approfondir leurs recherches. Et nous allons essayer de trouver d'autres partenaires.

DCH : Comment est la situation de la culture aux Pays Bas ? Le gouvernement avait imposé des coupes budgétaires drastiques.
Pieter Scholten :Il y a eu une baisse de 20%, je crois. C'était en 2012. Beaucoup de structures ont disparu. Depuis, le gouvernement a changé et la situation s'est stabilisée. Mais le pire est que les politiciens ont pu mener cette politique sans être inquiétés, comme si les artistes étaient un luxe. En même temps, les artistes ont inventé d'autres solutions pour surmonter ces difficultés.
Emio Greco : Il y a eu instauration d'un nouveau système de règles pour l'accès à l'argent public. Mais en même temps, et c'est l'élément positif, des commissions ont été créées qui ont vraiment écouté les artistes pour tenir compte de leur analyse du système en place et de leurs propositions. Une attitude plus pragmatique s'est installée de part et d'autre.

DCH : Il est à craindre que l'expérience néerlandaise puisse devenir intéressante pour la France. Ici aussi des digues pourraient céder et le populisme anti-artiste devenir un discours porteur.
P.S.: L'artiste ne gagne rien à tenter de nier ces tendances qui influent aussi sur les réactions du public. Il doit les affronter tout en continuant à s'identifier à sa création. Aux Pays Bas ça fonctionne parce que c'est un pays très orienté vers le reste du monde où les gens sont habitués à réagir très vite aux changements de paramètres. Cette souplesse est entre autres due à la forte exposition aux forces de la nature, avec ses tempêtes et marées.

DCH : Entretemps, avez-vous trouvé un lieu de vie à Marseille ?
Emio Greco : Nous nous y sommes installés en juillet dernier, dans un immeuble près du Vieux Port. L'idée était de commencer notre mission en tant que Marseillais.
Pieter Scholten : Nous vivons dans un immeuble interdisciplinaire (rires). C'est une coïncidence mais c'est formidable. Macha Makeïeff occupe le troisième étage, au quatrième on trouve l'ex-directrice des musées marseillais et au cinquième c'est la danse (rires).

DCH : En plus, vous avez la chance qu'il y ait des vols directs entre Amsterdam et Marseille !
Emio Greco :Trois par jour ! Au début nous avons fait énormément d'aller-retours, mais maintenant, que nos projets à Amsterdam sont sur les rails, nous n'avons plus besoin d'y aller autant. Dernièrement nous y sommes surtout allés pour retrouver les danseurs dans le travail pour Extremalism qui a été créé début juin à Amsterdam et fait l'ouverture de Montpellier Danse.
Pieter Scholten :La compagnie ICK Amsterdam était longtemps vouée à nos créations mais à partir de 2009 nous l'avons développée comme une compagnie contemporaine de répertoire. Les danseurs travaillent donc aussi avec d'autres chorégraphes.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Exremalism: première française le 24 juin, en ouverture du festival Montpellier Danse
autre représentation le 25 juin
www.montpellierdanse.com
Tournée:
les 17, 18 & 19 septembre à Marseille, TNM La Criée
 

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