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Zingaro : « Ex Anima »

Des chevaux, toujours des chevaux, encore des chevaux. Dans ce qu’il présente comme son « ultime spectacle », Bartabas revient à l’essentiel et met en scène, en majesté, « les acteurs véritables de (son) théâtre équestre ». Non qu’ils aient jusqu’ici été absents, loin de là, de ses créations depuis trente ans. Mais pour la première fois il ne s’agit plus, sur la terre noire du cirque Zingaro, de compagnonnage entre un cheval et son cavalier mais d’une véritable liturgie animale, où les humains ne sont plus que de simples « montreurs de chevaux ». Vêtus de noir de la tête aux pieds pour mieux se fondre dans la pénombre, privés de parole et réduits aux sifflements d’appeau ou aux frémissements de tambours, ils sont les humbles servants des héros magnifiques qui s’ébattent sur la piste.

Galerie photo © Marion Tubiana

Bien sûr, ces derniers n’auraient pu, sans un long travail préparatoire, accomplir les merveilles qu’ils proposent une heure trente durant dans Ex Anima. Mais le spectacle  - c’est là précisément un de ses enjeux - donne au public l’illusion d’une parfaite liberté, comme si les chevaux décidaient seuls de leur présence. D’où le sentiment émerveillé d’assister à une série de tableaux surgis du fond des âges, ceux d’un temps où hommes et bêtes vivaient côte à côte sans domination aucune d’une espèce sur une autre. Lorsque les purs-sangs noirs ou blancs s’élancent sur la piste dans une cavalcade à la fois sauvage et totalement pacifique, lorsqu’ils s’ébrouent, se roulent sur le sol, se reniflent, se taquinent ou se défient, on est bien en peine de déterminer s’il s’agit de scènes répétées ou de totale improvisation. Même la très belle musique interprétée par un quatuor de flutistes (jouant d’instruments irlandais, indiens, chinois et japonais) sur le thème du souffle semble à la fois précéder et épouser le moindre frémissement de naseaux, et la moindre ruade.

Galerie photo © Marion Tubiana

A l’issue du spectacle, une chose en tout cas est sûre : Bartabas a cent fois raison de qualifier d’acteurs ces trente-quatre personnalités de toutes origines dont on découvre au fil des scènes le caractère ombrageux, tendre ou joueur. Et il n’est pas non plus déplacé, sur un site consacré à la danse, de rendre compte d’une production si purement chorégraphique quand bien même nul danseur ne la hante. Car tout, ici, relève d’une dramaturgie des corps et de l’espace subtilement réglée par un deus ex machina nommé Bartabas. Qu’il s’agisse de la gestuelle et de l’ordre d’apparition des individus présents sur le plateau, fût-il de terre battue, du craquant pas de deux entre une ânesse blanche et son petit, ou du sobre final où autour d’un cheval d’arçon en cuir en guise de totem, seuls les humains, enfin dans la lumière, saluent en cercle.

Isabelle Calabre

Jusqu’à fin décembre à Zingaro, Fort d’Aubervillers.

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