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Yuval Pick à la Biennale de Lyon : Interview

Qu’est-ce qui peut bien lier Schubert à Kraftwerk ? C’est le romantisme !

Quand Kraftwerk rencontre Franz Schubert : Dans Are Friends Electric ? [lire notre critique], Yuval Pick met en rapport deux époques apparemment opposées de la musique allemande, à savoir les années 1820 et 1970. Et si les deux avaient des choses à se dire ?


Danser Canal Historique: D‘où vous est venu l’idée de mettre en parallèle les univers de Kraftwerk et de Schubert ?
Yuval Pick :
Je trouve que la musique de Kraftwerk est extrêmement romantique. Elle se situe dans un lien fort avec le romantisme européen, notamment avec les romantiques allemands qui étaient à la recherche d‘un rapport harmonieux entre l’homme et la nature. Lieder de Schubert évoquent cet idéal. Et puis, un jour je suis tombé sur un morceau de Kraftwerk intitulé Franz Schubert. Et j’ai compris comment Kraftwerk ont créé un nouveau romantisme européen, à partir de la relation entre l’homme et la machine.

DCH : Schubert a écrit Le Voyage d’Hiver. Kraftwerk évoquent la nostalgie d’un ailleurs à travers les Autobahn (autoroute) et le TGV de l’époque, le Trans-Europe Express.
Yuval Pick :
C’est la soif d‘un monde perdu ou bien d’une utopie, d’un nouveau monde. Tout tourne autour d’un manque à combler. La musique de Kraftwerk interroge comment l’homme redéfinit son rapport au monde, à travers son rapport aux machines qu’il a lui-même construites. Elle annonce la techno et la musique électronique. Leurs boucles sonores sont hyper-organisées, carrément mécanisées et en même temps très sentimentales. C’est intemporel.

 

DCH : A l’époque, cette musique était si révolutionnaire et orientée vers l’avenir qu’il était impossible d’y voir un lien avec une époque passée. Elle incarnait ce désir d’inconnu, dans le temps autant que dans l’espace.
Yuval Pick :
Aujourd’hui elle appartient au passé, à sa manière et il est possible d’en avoir une perception globale: D’où vient-elle, qu’a-t-elle traversé ? Elle est entrée  dans la mémoire collective.  En même temps, elle est intemporelle. C’est pourquoi le groupe tourne à nouveau et que le lien avec Schubert est aujourd’hui palpable.

DCH : Comment avez-vous abordé cette musique répétitive pour la chorégraphier?
Yuval Pick :
Elle est faite de boucles, mais il y a des échappatoires. J’ai cherché ces points de fuite et m’en suis inspiré. Je travaille sur notre envie d’harmonie dans le rapport entre l’homme et la machine.

 

DCH : Les danseurs se lâchent et se détendent, mais dans un registre très réglementé. Ils se déplacent parfois de façon si précise qu’on peut songer à une marche, un peu comme dans le jazz allemand des années 1930/40, auquel on peut également relier Kraftwerk.
Yuval Pick :
Absolument. La pièce est très écrite, façon jardin à la française, mais il y a des moments de rebondissements, syncopés comme dans le jazz. La vie, les danseurs et leurs mouvements sont ici entre deux états, l’un très contrôlé, l’autre festif et libre. Pour y arriver, je construis d’abord une sorte de squelette chorégraphique et ensuite j’y ajoute de la chair, à travers la construction des groupes, jusqu’à ce que les personnages trouvent des points de fuite qui leur permettent de s’échapper de cet univers très contrôlé. Ca donne ici une sorte de rave party. Mais en trouvant sa porte de sortie, on rentre de nouveau dans la case, sans s’en rendre compte. La pièce parle de ça.

DCH : Comme son nom l’indique, Are Friends Electric ? parle aussi du groupe et donc du statut de l’amitié à l’époque Facebook. Ces personnages voudraient être amis, sans pouvoir l’être vraiment. Le contact entre les danseurs ne devient jamais vraiment charnel, alors que le souhait est palpable.
Yuval Pick :
Parfaitement. Et en 1981, Kraftwerk explore déjà le pouvoir des ordinateurs sur notre vie émotionnelle et sentimentale: « I don’t know what to do, I did a rendez-vous, for the computer.../ it’s more fun to compute... » Voilà pourquoi j’ai appelé la pièce Are Friends Electric !

Propos recueillis par Thomas Hahn

A la Biennale de la Danse : le 20 et le 21 septembre à 20h30 aux Subsistances
http://www.biennaledeladanse.com/

 

 

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