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« Veillée de l’humanité »

En mots, en gestes, en danse et en musique, la Veillée de l’humanité a commémoré la signature, le 10 décembre 1948 au théâtre de Chaillot, des trente articles de la Charte de l’ONU proclamant la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

« Nous aimons l’échange, l’expérimentation, la saine controverse, mais aussi la fête, la célébration et la communion laïque ». Ce manifeste écrit par Didier Deschamps dans le programme de la Veillée de l’humanité donnait le ton de la soirée qui s’est déroulée le 10 décembre dans l’enceinte de Chaillot - théâtre national de la Danse. En écho à la signature ici même, il y a exactement soixante-dix ans, de la Charte universelle des droits de l’homme, plus d’une centaine d’artistes, comédiens, danseurs, musiciens, metteurs en scène, chorégraphes et auteurs s’étaient rassemblés pour affirmer par un geste ou une lecture la liberté et la dignité de toute personne humaine.

Orchestré par Anne-Laure Liégeois, le spectacle avait lieu sur le plateau de la grande salle Jean Vilar, poursuivant ainsi « les missions fondamentales du premier Théâtre National Populaire créé il y a bientôt un siècle par Firmin Gémier puis refondé quelque trente années plus tard avec le TNP de Jean Vilar » comme le rappelait l’actuel maître des lieux. Il était précédé de deux « hors-d’œuvre », le premier sur l’esplanade des Libertés et des Droits de l’Homme du Trocadéro, où était projetée la vidéo mapping du photographe Charles Fréger Dans le cercle, le second dans le Grand Foyer du théâtre par les danseurs de Lia Rodrigues, qui ont dénoncé la situation des droits humains dans le Brésil de Bolsonaro.

Galerie photo © Sammi Landweer

C’était ensuite parti pour une quarantaine d’interventions et de performances marquées par une simplicité de ton et une profonde sincérité artistique. Autour et à côté des artistes, de jeunes élèves d’écoles de théâtre et des amateurs plus âgés demeuraient assis en arc de cercle sur la scène après avoir récité en ouverture, debout dans les travées du théâtre, les articles de la Charte et la liste des pays signataires. Afin de renforcer la proximité avec les spectateurs, la salle restait demi éclairée, créant une intimité complice fidèle à l’esprit de veillée. Ce dispositif épuré laissait toute la place aux corps et aux textes qui devenaient le réceptacle des souffrances, des colères mais aussi des espoirs et des idéaux de l’humanité.

Galerie photo © Jean Couturier

Parmi les performances chorégraphiques, on retient le beau quintet d’Alonzo King, vrai moment de danse sensible et élégant. Le fameux duo de Preljocaj extrait de MC 14 22, où un danseur baillonné, entravé réaffirme jusqu’au bout sa liberté de bouger et de s’exprimer, était particulièrement raccord avec la tonalité du jour, comme le solo Haram de Sylvain Groud sur Refugees of rap. On a aussi savouré le rare plaisir de voir Dominique Mercy danser une séquence de Nur Du de Pina Bausch, ou celui de découvrir Carolyn Carlson théâtralement réincarnée en Folle de Chaillot. On a retrouvé, pour illustrer les droits des femmes, un extrait de la Carmen survoltée de José Montalvo.

Galerie photo © Jean Couturier

Et si l’on a moins apprécié la performance provocatrice de Wajdi Mouawad, ingérant puis « rejetant » en direct la malbouffe bafouant tous les droits humains, on a apprécié les textes d’Oleg Sentsov, de Maïakovski et d’Aimée Césaire dits par Eric Ruf ou Nelson-Rafell Madel. Ceinte de barbelés mais lançant au ciel un ballon aux couleurs de la terre, Phia Ménard offrait en clôture une création de dix minutes grave et poétique à la fois. Une lumière dans la nuit et une ode à la liberté de créer.

Isabelle Calabre  

Vu à Chaillot le 10 décembre 2018.

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