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Turin : Beppe Navello quitte « Teatro a Corte »

Après dix ans à la tête du festival et la création d’un concept unique, Beppe Navello renonce à se représenter. Voici pourquoi.

Les jeux sont faits pour Beppe Navello, directeur artistique du festival turinois Teatro a Corte, qui peut notamment se prévaloir d’avoir joué un rôle décisif dans la carrière d’Ambra Senatore, aujourd’hui directrice du CCN de Nantes. Jusqu’au bout Navello est resté fidèle à la chorégraphe turinoise en montrant en 2017 les premières représentations de son nouveau spectacle, Scena madre* (notre critique). En 2016, il lui avait confié une Promenade au château. Mais la directrice du CCN de Nantes est loin d’être la seule découverte chorégraphique que Navello avait partagée avec le public de Teatro a Corte et le Teatro Astra, dont il quitte également la direction.

La victoire de Cinque Stelle

Depuis la victoire du mouvement Cinque Stelle aux élections municipales de 2016, la politique culturelle de la ville est dans la tourmente. Les incertitudes s’accroissent dans la mesure où les moyens financiers diminuent. Pour Teatro a Corte  s’y ajoute que le concept porté depuis une décennie par la région et la municipalité est en train d’être détourné en faveur d’une approche plutôt commerciale.

Il y a dix ans, Teatro a Corte s’était établi comme une version locale de ce que nous connaissons, depuis trois ans seulement, sous le titre de Monuments en Mouvement, à savoir l’invitation faite aux créateurs contemporains d’investir les lieux historiques du patrimoine. Dans le cas du festival turinois, les intérieurs, les façades et les jardins des demeures royales savoyardes ont accueilli des propositions artistiques entre danse, théâtre et cirque. Insolites, rompant avec les habitudes (et non seulement avec celles du public local), elles ont contribué à attirer l’attention sur de beaux morceaux de patrimoine, rouverts au public après rénovation comme la Venaria Reale (un petit Versailles) ou l’impressionnant palais de chasse de Stupinigi.

Bouquet final avec Blanca Li

Mais Beppe Navello a déclaré qu’il ne postule pas pour un renouvellement de son mandat qui s’achève fin septembre. Le virage de la politique culturelle qui mise sur des grandes messes événementielles et touristiques plutôt que sur l’artistique, et la diminution des moyens financiers ont fini par l’en dissuader. Mais Teatro a Corte a encore son bouquet final à lancer : En octobre, avec Transports exceptionnels de Dominique Boivin, avec Ma Bête Noire par Eclats de Rock (un duo entre Thomas Chaussebourg et son cheval) ainsi que Galileo de la compagnie Deus ex machina, elle aussi française.

Et en décembre, une nouvelle Fête de la danse orchestrée par Blanca Li, pour fêter la réouverture des Officine Grandi Riparazioni. Situé directement derrière la gare de Porta Susa, ce mélange de Grande Halle de la Villette et Palais de Tokyo (pour prendre des références parisiennes) sera le nouveau poumon culturel de Turin, avec ses 20.000 m2, rénovés pour 90 millions d’euros. Quant à l’avenir de Teatro a Corte, il est parfaitement incertain, mais rien n’est encore joué. Voici ce qu’en di Navello lui-même.

Galerie photo Thomas Hahn : "Mu"' par la compagnie Transe Express à  Turin

Danser Canal Historique : Beppe Navello, vous avez déclaré dans la presse turinoise que vous ne souhaitiez pas postuler pour un renouvellement de votre mandat à la tête de la fondation TPE. Vous lâchez donc la direction de Teatro Astra et du festival Teatro a Corte. Pour quelles raisons?

Beppe Navello : La ville n’a aucun projet et la région a annoncé la suppression de sa subvention pour l’année 2017. Il ne reste donc que la subvention du ministère. C’est trop peu pour faire un festival. La ville m’a proposé de fusionner Teatro Astra avec un autre théâtre qui fait un travail complètement différent. Même le Ministère de la culture a reconnu que cette fusion ne fait pas sens. Face à un tel manque de cohérence, j’ai décidé, plutôt sur un coup de tête, de ne pas demander le renouvellement de mon mandat qui arrive à son terme le 30 septembre 2017. Dix ans de direction sont peut-être assez. Je ne conserve que mon siège dans le conseil d’administration de la fondation que j’occupe en tant que membre de l’association. J’espère que mon successeur pourra poursuivre les activités dans le sens engagé qui a porté Teatro Astra à deux mille abonnés et 45.000 places vendues pour la saison. Pour les demeures royales, la tendance va vers des activités incluant des propositions ludiques et des spectacles très commerciaux.

Photos de "Fiers à Cheval" par la compagnie Les Quidams, Turin, de Thomas Hahn

DCH : L’édition 2017 a accueilli en juillet la Promenade au château de Jérôme Thomas, le hip hop inventif et revendicatif de D-Construction par la compagnie Tryptik, FierS à Cheval, l’hommage à l’école viennoise dans une chorégraphie pour chevaux gonflables par la Compagnie des Quidams, le solo circassien et forestier Hêtre par la compagnie Libertivore ainsi que Mu, cette énorme fresque aérienne de Transe Express, poids lourd des arts de la rue français. Et vous présentez encore trois spectacles français en octobre. Cette suprématie des compagnies hexagonales est-elle le reflet de moyens d’exploration réduits pour raisons budgétaires?

B.P. : Non, c’était un choix volontaire de faire une édition franco-italienne, puisque 2017 marque le 10e anniversaire de Teatro a Corte qui avait commencé par l’inauguration de la Venaria Reale après quinze ans de travaux de restauration. Et puis, c’est entre la France et l’Italie que cette aventure avait  commencé. En même temps il est vrai que nous avons subi une forte réduction budgétaire.

DCH : Quelles sont vos perspectives personnelles, suite à votre démission? Vous êtes vous-même dramaturge et metteur en scène. Allez-vous reprendre votre casquette d’artiste?

B.P. : J’aurai effectivement plus de possibilités en ce sens. Le règlement des institutions italiennes stipule que le directeur d’un théâtre ne peut y présenter qu’une seule mise en scène par an et ne peut créer de spectacles de théâtre ailleurs, sauf une mise en scène d’opéra. D’autre part, des changements sont en cours dans le paysage théâtral italien. Peut-être que cela favorisera qu’on fasse appel à moi. L’avenir nous le dira... En tout cas, la saison 2017/18 de Teatro Astra est encore de ma conception, ainsi que les volets d’octobre et décembre de Teatro a Corte.

Thomas Hahn

www.teatroacorte.it

 

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