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« Tout va bien » de Gaetano Battezzato

Art Danse Bourgogne, festival du CDC Dijon Bourgogne, ne ferme pas la porte à ceux qui ont assez vécu pour revenir sur leurs parcours. Car Jérôme Franc n’a pas seulement impulsé une nouvelle re-création de Qui a tué Lolita ? par le Groupe Lolita, plus de trente-cinq ans après leur coup de théâtre mythique. Il a aussi accueilli la première mondiale de Tout va bien, solo de et avec Gaetano Battezzato, qui est assez franc pour déclarer que « tous les éléments viennent de [ses] spectacles précédents ». Du pur recyclage donc, en mode de recomposition libre. Le but n’est plus de présenter une histoire, mais de parler de l’artiste en scène, du processus de création, des doutes, des tempêtes intérieures, de l’envie de théâtre et bien sûr de l’espoir de se faire applaudir.

Tout va bien commence donc par de longs saluts, sous des ovations sans limites, telles que la Callas a pu en recevoir. En costume noir, tel un magicien ou chanteur, Battezzato décline la soif inassouvissable de l’amour du public. Après quoi la scène, où se déroule le travail de création, apparaît tel un trou noir que l’acteur se doit de combler de son énergie intérieure.
Vingt ans après son premier prix au Concours Chorégraphique de Bagnolet, Battezzato est toujours une bête de scène, versatile et infatigable, fabuleux en héros de cape et d’épée, en clown, en commedia dell’arte, ou en dansant une sorte de Tecktonik sur musique techno. Tellurique comme en flamenco ou en danses traditionnelles italiennes, il se présente en incarnation de l’acteur. Et il est, avant tout : Hamlet. Incessants retours vers ce personnage phare du théâtre occidental, vers son drame et vers les doutes du Prince, qui se confondent avec ceux de l’acteur.
En costume élisabéthain, en fantôme ou en derviche tourneur, un couteau ensanglanté en main, l’art gore du XVIème siècle ressurgit, pour un « Sex-Spiel » sur Shakespeare où tout tourne en boucle : Les sons de  combats, la voix off féminine qui incarne les pensées de l’acteur et sa poétique, les gestes du danseur. Car son véritable champ d’action et de bataille est l’art du geste, où se croisent tous les arts de l’acteur, où le corps n’est « rien de plus qu’une forme, avant d’agir ».
Le récit fragmentaire, la déconstruction, l’éclatement en éléments narratifs qui deviennent une pâte à modeler entre les mains d’un dramaturge, ne peuvent plus revendiquer un statut de nouveauté. En 1995, quand Battezzato fut couronné à Bagnolet, la méthode était dans l’air du temps, et la vénération de la virtuosité des stars de la scène encore une option pour tous. C’était une époque où il était plus facile de dire: Tout va bien. A l’ère des hipsters et des nerds, c’est moins sûr, et ce nouveau solo de Battezzato est d’autant plus exceptionnel qu’il affirme son art, haut et fort, contre les vents actuels. Sa compagnie s’appelle Teatri del Vento.

Thomas Hahn

http://art-danse.org
http://www.teatri-del-vento.org
 

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