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« Time Break » : Grenade change d’époque

Josette Baïz remonte son succès de 2001, dans un esprit ludique et apaisé, fluide et sans barre oblique.

Quinze ans après la création, Time/Break devient Time Break. En 2001, cette pièce marqua la fin de la toute première période de la compagnie Grenade. Ayant créé deux pièces très remarquées (Turbulences et Capharnaüm) avec les premières interprètes, cinq danseuses professionnelles issues du Groupe Grenade, Josette Baïz intègre pour la première fois des garçons, également issus de cette pépinière à Aix et Marseille, mais très marqués par le hip hop. Ca tranchait un peu avec le « style Grenade », fusion ultra-vivante d’un vaste mélange de cultures chorégraphiques.

En 2016, Baïz décidé de revenir sur cette pièce, et change une fois de plus sa manière de composer une distribution. Pour la première fois, elle travaille ici avec une majorité de danseurs qui n’ont pas seulement suivi d’autres formations mais aussi été interprètes dans d’autres compagnies. Ils viennent soit de l’école du Ballet de Genève, soit de The Australian Ballet School et ont été interprètes chez Emilio Calcagno, Maryse Delente ou au Scottish Dance Theatre. Sur sept interprètes, deux seulement sont « faits maison » car passées directement du Groupe Grenade à la compagnie.

Relecture

L’arrivée des trois « Genévois », derniers à avoir rejoint Grenade, ouvre donc un nouveau chapitre dans le parcours de la compagnie, comme en 2001 l’entrée des trois garçons avait fait évoluer le projet. En revenant aujourd’hui sur cette création emblématique, Baïz ne vise pas une reconstruction, mais une relecture. La différence entre les deux spectacles dépasse de loin la disparition du slash dans le titre.

Seule la scénographie, très mobile avec sa vingtaine de chaises métalliques et très design, reste la même. On passe d’une majorité de six filles pour trois garçons à un rapport minoritaire, de deux face à cinq. La nouvelle distribution arrive telle une nouvelle famille qui emménage dans un logement dont ils conservent le mobilier et les rideaux. Tout le reste change, radicalement : La musique, la cuisine, l’ambiance.

Time/Break était, selon Baïz, « un condensé des ‘métissages chorégraphiques’ si caractéristiques de Grenade. » Et elle demande: « Qu’en est-il des danseurs d’aujourd’hui? Abordent-ils la danse comme ceux de 2001? » La réponse est sur le plateau. Alors que Baïz passe par « les mêmes consignes d’improvisation, de composition, les mêmes propositions chorégraphiques », tout est différent.

Apaisement

La distribution de 2016 ne représente ni les mêmes enjeux sociaux et culturels, ni les mêmes diversités chorégraphiques. En 2001, Time/Break était une pièce où les relations hommes-femmes se négocièrent sous haute tension. L’ambiance était ludique, mais traversée par les lignes de fracture sociales et culturelles, inhérentes à cette distribution et brusquement mise ne lumière de façon dramatique par les attentats du 11 septembre qui précèdent de quelques semaines la première.

En 2016, les interprètes de Time Break affichent avant tout leur complicité ainsi qu’une grande unité stylistique. Trop peut-être. La nouvelle version est apaisée, sans divisions ou enjeux sociétaux existentiels. Pourtant ils n sont pas moindres, au contraire…

Du Groupe Grenade étaient sortis de vraies personnalités, des « bêtes de scène » dont chacune aurait pu tenir seule le spectacle. Ceux qui ont aujourd’hui le même âge cultivent une attitude moins survoltée. Ils nous emmènent dans une sorte de rêve, avec l’élégance d’une revue, par un humour plus poétique que virulent. Time/Break était ancré dans le réel, Time Break nous embarque dans un songe, un divertissement qui « passe comme une lettre à la Poste », une lettre de gens heureux qui révèlent, au dernier tableau, à quel point leur qualité est la légèreté. Ils la mettent en jeu, magnifiquement, quand leur marche sur place, face public, confine à l’impesanteur et à la lévitation. Et comme chaque pièce porte en elle le germe de la suivante, on peut espérer que ce quasi-envol collectif les portera loin.

Thomas Hahn

Direction artistique : Josette Baïz Chorégraphie : Josette Baïz et Compagnie Grenade Interprètes : Brian Caillet, Camille Cortez, Axel Loubette, Géraldine Morlat, Murielle Pegou, Geoffrey Piberne, Anthony Velay
A partir d’une scénographie de Dominique Drillot
Lumière : Erwann Collet Costumes : Julie Yousef
Musiques : Jean-Jacques Palix, Wax Tailor, Odjibox, Parov Stelar, Max Pashm, Senking

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