« Syncing Feeling » de Dancenorth
Focus Austral à Chaillot : Syncing Feeling du duo australien Dancenorth, tel un voyage dans l’inconscient.
L’Australie est une terre fertile pour la danse et tous les chorégraphes du 5e continent ne se sont pas installés en Europe! Si un Lloyd Newson, une Joanne Leighton ou une Rosalind Crisp travaillent au Royaume Uni ou en France, les chorégraphes-interprètes de la compagnie Dancenorth, Amber Haines et Kyle Page n’ont en rien quitté leur Down Under où ils ont travaillé avec les chorégraphes du pays comme Lucy Guerin, Stephanie Lake, Garry Stewart ou Meryl Tankard qui sont loin de nous être inconnus.
Syncing Feeling porte un titre qui lui va comme un gant. Basée sur un jeu de miroir entre Elle (Amber) et Lui (Kyle), ce duo produit avant tout une sensation de superposition de deux entités qui se joue dans une sphère insaisissable, et pourtant bien réelle. Corps et consciences quittent d’abord leur condition terrestre et newtonienne, pour atteindre une convergence d’esprit au-delà de tout jeu de séduction, et pourtant sans renoncer à la sensualité. Une pure question de feeling, justement.
Si le couple porte toujours des vêtements identiques, s’il plonge dans les mêmes états de fluidité et de semi-apesanteur, s’il se retrouve souvent en unisson, il n’y est jamais question de mimétisme. On y danse surtout le désir d’appartenance à un tout universel. Et le spectateur en arrive à être troublé, à ne plus différencier les personnalités alors que les corps charnels restent bien distincts. Syncing Feeling possède la rare capacité à faire d’un spectacle chorégraphique en dispositif frontal une expérience immersive.
Galerie photo © Gregory Lorenzutti
Quand, après un solo, Elle est rejointe par Lui, ou inversement, on assiste moins à un retour sur scène qu’à la matérialisation d’une présence contenue en l’autre, une émanation du corps qui vient de danser « seul », et pourtant tout sauf seul. Car les deux savent produire une fusion entre le corps et l’espace comme on la connait seulement de la part d’un Teshigawara, ici en moins filigrane mais dans une porosité avec l’autre qui, au lieu de livrer une démonstration, embarque le public de façon viscérale, qui cherche moins à produire un phénomène esthétique qu’une empathie subliminale.
Dans la même soirée, dans le cadre du Focus Austral à Chaillot - Théâtre National de la Danse, le retour sur terre ne s’est pas fait attendre, avec les deux pièces de The New Zealand Dance Company, The Geography of an Archipelago par Stephen Shropshire et In Transit par Louise Potki Bryant. Retour plutôt aride, puisqu’un discours sinueux à travers différentes couches de références ne remplace pas une écriture personnelle sur le plateau.
On en conclut que l’Australie a quelques longueurs d’avance sur la Nouvelle Zélande en matière de recherche chorégraphique. Mais comme Auckland a bien su offrir au monde un certain Lemi Ponifasio - et In Transit semble bien tenter de s’inspirer de son univers - il est permis d’espérer.
Thomas Hahn
Spectacle vu le 13 avril 2018, Focus Austral, Chaillot-Théâtre National de la Danse
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