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“Super Premium Soft Double Vanilla Rich” à la Maison de la Culture du Japon

Super Premium Soft Double Vanilla Rich est le nom d’une nouvelle glace. On la désire, on en est déçu(e). On y avait placé tous ses espoirs, comme dans un nouvel amour, une nouvelle religion…

Dans les villes japonaises, le monde tourne autour des kombini, ces petits supermarchés ouverts sans interruption, temples du culte des nouveaux produits et du tout-consommable. C’est dans un tel kombini que se déroule Super Premium...

Avec sa septième pièce présentée dans le cadre du Festival d’Automne, le metteur en scène japonais Tokishi Okada livre une pièce de théâtre pataphysique, portée par une recherche gestuelle originale et satirique, caustique et pourtant élégante. Dans cette tragicomédie, la dérision l’emporte largement. Les corps sont corvéables comme seul au Japon on ose l’imaginer, toujours confinés dans une soumission dont Okada révèle le côté dérisoire.

Entre les employés, les clients, le gérant et le manager, relations et émotions sont aussi formatées que les produits et leurs emplacements dans la supérette. Il faut juste savoir s’en amuser. Ce produit de mime textuel doublement riche en vanille serait sans doute aussi stérile que les kombini eux-mêmes si Okada ne traitait pas tout au 2ème degré.

Les trois saveurs dominantes du spectacle sont a priori aussi incompatibles que la vanille et le thon. Encore que... Okada se révèle grand chef en cuisinant Super Premium avec un texte super formaté mais bien relevé (au jus de citron car on rit jaune) grâce au Clavier bien tempéré de Bach (la bande son du début à la fin) et mijoté par une gestuelle parfaitement absurde mais drôlement personnelle dans sa fabrication mécanique.

Un tel chef a bien le droit de dénoncer l’industrie alimentaire et ses sbires qui jugent une recette uniquement à la recette, même si de notre point de vue, la critique formulée à leur égard est plutôt « tarte à la crème ». Le supplément d’âme et de vanille qui rend Super Premium si délicieux confère  aux corps une sorte d’apesanteur paradoxale car arrachée de haute lutte au respect de soi-même.

La lévitation délicieusement artificielle des corps lutte contre la pesanteur de l’ambiance. Le texte se chante, ou presque et Bach entre en relecture rythmique, jusqu’à prendre des allures d’Offenbach, d’autant plus que le formatage des employées s’est fait dans la fameuse Smile Factory.

Il faut se renier jusqu’au bout pour réussir à jubiler d’une vie qui vous transforme en automate émotionnel. Le message du texte, également signé Okada, se résume dans certaines phrases comme cette question existentielle: « Comment quelqu’un pourrait-il être libre dans un kombini? » C’est le client détesté (car il ne  vient que pour se promener) qui donne la réponse: « Y aller mais ne rien acheter. »

A l’instar d’une glace à la vanille, cette pièce ne connaît pratiquement aucune évolution dramaturgique. Par contre, sa durée de 1h40 est largement supérieure à celle du plaisir d’un cornet à trois boules, alors que sa concentration en vanille super premium ne permet d’alimenter qu’environ la moitié du parcours. Mais en sortant de là, on n’a ni les boules ni envie de se jeter dans le prochain kombini. Et c’est déjà pas mal.

Thomas Hahn

Du 18 au 21 novembre 2015

http://www.mcjp.fr/fr/agenda/super-premium-soft-double-vanilla-rich

 

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