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Simon Tanguy : « People in a Field »

Que signifie être né dans les années 1980 ? « Nous sommes arrivés dans un monde qui a perdu l’espoir », disent les jeunes auteurs-interprètes de People in a Field. Leur constat : Les 70’s avec leur envie de changer le monde n’ont pu créer qu’un monde plus libre, pas un monde meilleur.

On pourrait les renvoyer directement à tant d’exemples de perte des libertés pour les confronter à quelques réalités. Mais là n’est pas le propos. La pièce de Simon Tanguy a le mérite de nous faire comprendre le ressenti de cette génération qui tangue entre l’envie de faire la fête, le rire et les larmes, ses désirs et ses doutes.

Chaque interprète semble donner un aperçu authentique de sa condition au sein d’un groupe qui se dit composé de cinq personnes qui tentent de se comprendre et de faire quelque chose ensemble, fut-ce une pièce de danse de cinquante-cinq minutes.

Ils le font, et ils le font bien, tour à tour exposés aux champs magnétiques d’un trio de rock, aux images vidéo de leurs propres aventures ou à une liberté de circulation finement réglementé, comme s’ils s’étaient dit qu’il fallait d’abord déconstruire Anne Teresa De Keersmaeker, cette reine de la danse des années 1980.

Dans ce monde plus libre mais pas tellement meilleur, ils ont formé une équipe très internationale qui s’en réclame en parlant anglais et en arborant sur leurs vestes de sport parfois les noms de deux pays. Aussi est-il possible de représenter à la fois l’équipe nationale du Japon et celle d’Italie. La libre circulation ne fait pas un monde meilleur, mais son contraire non plus…

People in a Field se pose tel un regard simple et ouvert sur le monde. C’est une pièce communicative, ouverte, résolument contemporaine sans devenir didactique. Ces jeunes, il faut les écouter, d’autant plus qu’ils viennent du Maroc, du Japon, de Pologne, d’Estonie et de Hongrie et qu’ils sont eux-mêmes chorégraphes, ce qui veut dire qu’ils sont engagés dans une réflexion sur leur époque.

Cette pièce est aussi pragmatique qu’une génération qui voudrait profiter de la vie sans savoir dans quelle grande cause s’investir, qui se laisse porter par les ambiances et qui se rabat sur le partage entre amis pour découvrir comment parler de soi et avec l’autre.

Les ambiances glissent ou basculent comme dans une soirée de fête. On bouge à toute allure, comme possédés, pour ensuite partir dans une respiration prolongée. Des duos, voire des couples, se nouent et se défont à grande vitesse. On détourne ses propres pulsions érotiques en mode burlesque, d’autant plus que ça permet de rire un peu de la danse contemporaine et de ses stéréotypes.

Après une génération qui part du corps comme signe social, en voici une autre, qui redonne ses lettres de noblesse au mouvement. Après une critique de la société, voici une manière d’en dire l’ici et maintenant. Sans illusions, sans discours et dans une position plus modeste vis-à-vis du public. C’est presque bon enfant, ludique et pourtant très lucide.

Thomas Hahn

Paris, Théâtre des Abbesses - Du 27 au 31 janvier 2015

Chorégraphie: Simon Tanguy
Musique: Christoph Scherbaum
Création lumières: Pablo Fontdevila
Dramaturgie: Frank Van de Ven
Conseil vidéo et programmation: Frederick Rodrigues
Avec :Marzena Krzeminska, Radouan Mriziga, Olivia Reschofsky, Karl Saks, Yurie Umamoto
Musiciens : Maarteen Bakker, Christoph Scherbaum, Willem Smid

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