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« Silhouette », « Nocturnes », « Estro », de Thierry Malandain

Nous devons le mot familier de silhouette à un… contrôleur général des finances de Louis XV, Etienne de Silhouette, qui donna donc son nom aux portraits découpés d’après l’ombre du visage, probablement parce qu’il ne laissait aux contribuables que l’ombre de leur fortune. Ce solo, dansé par Frederik Deberdt, se veut miniature à travers laquelle passe l’ombre de Nijinski et de ses œuvres, découpées, « à la silhouette » dans Le Spectre de la rose, Petrouchka, Narcisse et l’Après-midi d’un faune.

Mais, avec ce dispositif scénique qui fait évoluer le danseurs entre quatre barres mobiles, d’autres références viennent s’insinuer dans ce solo d’une rigueur toute classique, comme le célèbre Études, ou même Life, créé par Jean Babilée. Le corps de Frederik Deberdt, lui, n’a rien d’une ombre, musculeux et délié, il a cette animalité délicate qui fait le danseur. Et, à travers sa silhouette, c’est tout le travail que la danse fait au corps qui est l’objet final de ce solo. Nijinski ne devenant que l’autre mot pour danseur, ou peut-être sa quintessence.

« Nocturnes » Galerie photo : Olivier Houeix

Nocturnes, est un curieux croisement entre les œuvres éponymes de Chopin, empreintes d’une sorte de « romantisme noir et « gothique » selon Thierry Malandain, et les danses macabres développées à la fin d’un Moyen-Âge en proie à la peste, représentées le plus souvent en farandoles unissant le mort aux vivants, dans une sorte de Carpe Diem.

La pièce de Thierry Malandain est ténébreuse et pleine de mystère. Les danseurs défilent de Jardin à Cour se tenant parfois par la main, ou par l’épaule, laissant un pas derrière eux, comme la solidification d’une ombre, mort qui plane et s’insinue dans la course des vivants. Ce cortége mélancolique et obscur déroule une gestuelle tout en échappées contrariées, en extensions qui semblent inverser vers le haut le poids de la gravité. Les groupes se font, solidaires et même soudés, et se défont, reprenant en miroir leurs mouvements comme une fugue inversée. Il sourd une présence spirituelle dans le silence qui émane de ces Nocturnes, la mort fauche les vivants sans prévenir. Et toujours la ligne continue sa danse, éternelle comme la mort, infinie comme la vie.

Thierry Malandain signe là un bijou de chorégraphie, que les éclairages de Jean-Claude Asquié réhaussent d’une lueur sombre, ciselé dans sa dramaturgie, finement musical, intelligent.

Estro, que nous avons déjà chroniqué ici (http://dansercanalhistorique.com/2014/07/13/harmonies-dansees-a-biarritz/) clôturait cette soirée d’inspiration, finalement, assez spirituelle, avec son allure d’étude sur l’élévation, qui mêle au Stabat Mater (la Mère se tenait debout) l’Estro Armonico, partition qui incite à tous les dépassements et permet d’approcher les cimes de l’être. Néanmoins, les parties du Stabat Mater, ne peuvent que nous faire regretter que Thierry Malandain n’ait pas consacré toute sa chorégraphie à cette œuvre belle et tragique.

Ajoutons que cette soirée est magnifiquement servie par une troupe de danseurs plus excellents les uns que les autres.

Agnès Izrine

9 novembre 2014

Donostia / San Sebastian, Teatro Victoria Eugenia

En tournée

Opéra de Reims, 14, 15, 16 novembre 2014 http://www.operadereims.com/

Andrezieux Bouthéon, théâtre du Parc, 12 décembre 2014

 

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