« Silex et craie (calcédoine et coccolithe) » de et avec Vincent Dupont et Bernardo Montet
La danse envahit le Prieuré Saint-Cosme dans le cadre du festival Tours d’Horizons.
Pour commencer l’après-midi d’un beau dimanche de début juin, le danseur Raphaël Dupin et le compositeur et interprète Brice Kartmann ont remarquablement bien occupé les splendides espaces extérieurs du Prieuré Saint-Cosme, (la demeure de Ronsard qui en fut le prieur de 1565 à 1585).Sous forme d’une déambulation dans les jardins de ce cadre exceptionnel, Apicroche, avait quelque chose d’irréel et d’intrigant. Accompagné par d’étranges sonorités, un homme caché sous un ciré kaki semble partir à la recherche d’une une paix intérieure. Entre un corps parfois figé, des soubresauts, déplacements linéaires, équilibre sur une bûche et plongée dans un puits, la conjugaison des deux arts en corrélation avec les vieilles pierres et les plates-bandes de fleurs si colorées, pourrait être considérée comme un rêve vers le paradis ou une ode à la nature. Un moment très surprenant qui a enrôlé les nombreux spectateurs disséminés dans le parc.
Puis, c’est dans la fraicheur du tout aussi magnifique réfectoire orné de quatorze vitraux originaux du grand peintre Zao Wou-Ki, que Vincent Dupont et Bernardo Montet ont présenté Silex et craie (calcédoine et coccolithe).
Galerie photo © Christophe Raynaud de Lage
Les deux danseurs revêtus de tenues noires et de masques transparents recouverts de lignes de même couleur sont debout face au public, cernés par d’énormes ballons également noirs suspendus de part et d’autre sur les murs du lieu. Ces deux étranges créatures très complices se parlent et rient aux éclats dans une langue incompréhensible et se lancent dans une sorte de jeu d'où un son est produit lorsque l’un touche le corps de l’autre. Qui sont-ils, où sont-ils ? S’agit-il d’extraterrestres perdus dans l’univers, d’êtres engloutis par un trou noir, est-ce la fin du monde ?
Mais des enchainements dansés avec raffinement entre tours, ports de bras gracieux, marches élégantes et souples, se transforment en séquences plus réalistes.
On voit le grand Vincent tirer par le tee-shirt Bernardo qui avance à quatre pattes. S’agit-il d’un maître qui traine son esclave ? Et par la suite, s’engage une certaine forme de communion entre ces deux hommes dont la gestuelle parfois très bringuebalante pourrait décrire des homos sapiens. Puis on imagine des êtres qui frottent des silex pour faire du feu, des personnages qui étaient à l’aube de notre civilisation.
Tant de contrastes invraisemblables dessinés par le corps en seulement 50 minutes alors qu’une multitude d’interrogations nous submergent. Toujours est-il que la noirceur règne. Mais s’agit-il d’une époque archaïque ou contemporaine ? Un chaos jubilatoire et farfelu dans une rencontre artistique du troisième type créée par deux artistes dont la maturité et leurs présences incroyables sur scène donnent naissance à une œuvre puissante et passionnante hors du commun. Un duo énigmatique et jubilatoire sur l’humanité.
Sophie Lesort
Spectacle vu le 4 juin 2023 à Tours dans le cadre de Tours d’Horizons
Tours d’Horizons, jusqu’au 17 juin
Performance : Raphaël Dupin & Brice Kartmann
Silex et craie (calcédonie et coccolithe)
Chorégraphie et interprétation : Vincent Dupont, Bernardo Montet
Création musicale et régie son : Maxime Fabre
Travail de la voix : Valéry Joly
Collaboration artistique : Myriam Lebreton
Catégories:
Add new comment