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« Silent Legacy » de Maud Le Pladec

Poussant, au moyen de la danse, sa recherche sur la « sororité, l’identité et la place des femmes dans l’histoire », Maud Le Pladec nous propose sous le titre en anglais Silent Legacy deux solos pour deux danseuses « de cultures et de générations différentes » : Adeline Kerry Cruz et Audrey Merilus. A voir à POLE SUD-CDCN de Strasbourg les 16 et 17 octobre. 

Adeline Kerry Cruz, danseuse krump canadienne âgée de dix ans à peine, intervient en première partie, tandis qu’Audrey Merilus, rompue au contemporain, lui succède sur une durée plus longue. Toutes deux sont de très haut niveau technique, chacune dans son domaine ; elles sont surmotivées, bourrées d’énergie et, qui plus est, élégamment parées grâce aux tenues de Christelle Kocher – c’est loin d’être toujours le cas dans leurs disciplines respectives. Elles sont aussi soutenues dans leur effort par une B.O. techno signée Chloé Thévenin. Enfin, il convient de souligner que leurs solos sont idéalement mis en valeur par la création lumière d’Éric Soyer.

Ainsi, la partie krump du début est éclairée non par des cercles de lumière comme c’est le cas le plus souvent dans le hip hop mais par des rectangles se déplaçant au gré de la déambulation de la fillette sur la scène à même le plancher de Gémier. Ce « ring » mobile n’a pas la forme d’un anneau mais celle d’une scène de boxe, de catch ou de lutte gréco-romaine. La variation contemporaine est pour partie structurée par la lumière. Celle-ci ne sert plus seulement à borner l’espace, à l’élargir, le déformer ou le transfigurer, à suggérer des atmosphères psychologiques ou dramatiques mais à couper la durée en séquences bien distinctes. La dominante du clair-obscur ou du noir et blanc est à certains endroits tempérée et même réchauffée par les leds de projecteurs braqués en diagonale virant au rouge. La double colonnade de tubes fluo meublant l’arrière-scène se met à vibrer aux rythmes du disco et de la techno vers le finale mais les clignotements hypnotiques contrastant en noir et blanc sont eux-mêmes enrichis de périodes chromatiques subliminales.

Galerie photo © César Vayssié

Par certains côtés, Silent Legacy évoque pour nous l’hommage rendu en juillet 2006 par Valéry Colin et le Étés de la danse à Alvin Ailey. Le solo d’Audrey Merilus paraît droit issu, sinon « hérité », de la danse afro-américaine, fluide et savante, du chorégraphe et de sa muse venue le représenter à Paris, Judy Jamison. Une des soirées de ce festival estival offrait en prime une partie hip hop, Pas de quartier, du chorégraphe Playmo et du metteur en scène Éric Checco qui incluait Locking, Popping, Break, House et, déjà, Krumping, peu de temps après la sortie du film Rize de David LaChapelle. Nous y avions apprécié par ailleurs Caught (1982) de David Parsons, à base d’éclairs lumineux d’un danseur en élévation et de passage obscurs éclipsant la chute, créant l’illusion de lévitation.

Maud Le Pladec semble avoir laissé une certaine latitude à Audrey Merilus, danseuse et co-chorégraphe du solo. On peut penser que les effets expressionnistes, théâtraux, représentatifs brisant l’abstraction ou l’ornement d’ensemble sont de l’initiative de l’interprète. Pour ce qui est de la gamine, une révélation à nos yeux, Le Pladec a obtenu la collaboration de Jr Maddripp, adepte du krump très connu au Canada, formé par Tight Eyez. Celui-ci fait d’ailleurs un caméo à mi-parcours et recouvre le corps de la fillette prodigue et enfant de la balle, d’abord habillée de clair (comme le garçonnet des Elks dans une démo de cake-walk au Nouveau Cirque vers 1903), d’un seyant chaperon polychrome – un costume de plumes artificielles comme ceux arborés par les Amérindiens lors de certains rituels.

Nicolas Villodre 

Vu le 15 mars 2023 salle Gémier, à Chaillot-Théâtre national de la Danse.

16 octobre 2023 à 19h et 17 octobre 2023 à 20h30 à POLE SUD CDCN de Strasbourg

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