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« Show » de Hofesh Shechter

Dans cette pièce pour et par les jeunes de Shechter II, la danse est à la fois baroque, tribale et folklorique, toujours  dionysiaque et surtout macabre.

Show est une pièce toute fraîche, créée il y a trois semaines, avec les jeunes danseurs de la compagnie Shechter II, constituée de huit jeunes talents en train de devenir des danseurs professionnels. Si la première partie est écrite sur mesure pour eux, la colonne vertébrale de la pièce n’est autre que Clowns, une création de Shechter pour le Nederlands Dans Theater, en 2016, où il croise sa dénonciation de la violence meurtrière avec la vitalité festive de la danse baroque.

Du ciel vers l’enfer

Au début, les quatre femmes et quatre hommes exposent leur fragilité, mais aussi une légèreté céleste. Sont-ils des fantômes ou des anges ? Dans leurs costumes XVIIIe siècle, ils forment des cercles et des lignes, ou bien s’adonnent à des transes comme dans une cérémonie mystique, un carnaval ou une danse de Wilis.

Et on ne ressent aucune rupture entre les deux composantes de Show, juste un glissement de la thématique quand les ambiances festives et célestes sont ponctuées, en crescendo, par des exécutions-éclair. Une gorge tranchée, une balle reçue dans le dos, et on s’effondre sans crier gare, alors qu’on était en train d’exulter la vie en dansant. Ces trépas instantanés arrêtent la vie, avant qu’elle ne renaisse aussitôt. Chaque mouvement dansé contient en lui l’énergie de la lutte pour la survie.

Show, un condensé de Shechter

On trouve dans Show un condensé des motifs développés dernièrement dans Barbarians et Grand Final, ses deux créations précédentes [lire notre critique] : L’exaltation de la vie et l’urgence de souder une communauté que Shechter ne cesse de confronter à l’empire de la violence collective entre différentes communautés, avec les énergies de la vie et de la mort qui créent une tension maximale.

Chez Shechter, l’omniprésence de la mort fait de la vie une fête sans limites, jusque dans la mort. Et pourtant il ne vit pas à Tel Aviv mais à Londres, tout en ajoutant volontiers et de vive voix que sa deuxième patrie n’est autre que Paris.

La danse baroque, genre si français, qui ne cesse de sous-tendre ce « Show » tribal, sauvage et tellement raffiné, n’en dit pas autre chose. Shechter va par ailleurs revenir à Paris en avril/mai pour travailler, avec le Ballet de l’Opéra de Paris, sur une nouvelle version de The Art of Not Looking Back, une pièce créée pour sa compagnie en 2009.

Un cocktail des danses du monde

Costumés comme s’ils voulaient danser un opéra-ballet, les quatre couples volent à travers la danse baroque, tribale, arabe ou traditionnelle européenne, mêlant allègrement des séquences très organisées et presque codifiées avec une danse furieuse et apparemment libre. Tout est contenu dans tout et la transe est une et indivisible, que l’on se situe à la Cour ou dans un village africain. Tous cherchent à changer d’état de conscience en dansant. Même un ralenti extrême peut encore contenir cette énergie-là.

Et le spectacle n’est pas prêt à s’en aller, même pas quand il est fini. Les saluts, sur une douce chanson coréenne, sont comme une troisième partie du Show, ou bien comme si on avait seulement rêvé de ces clowns et revivait alors ses souvenirs de ce songe. Show se termine donc sur une réflexion concernant notre immersion dans la culture du spectacle. La mort, on en redemande, la violence est devenue un spectacle sans fin.

Thomas Hahn

Spectacle vu au Théâtre des Abbesses, le 5 avril 2018

Show

chorégraphie & musique : Hofesh Shechter
lumières : Lee Curran (Clowns), Richard Godin (Show)
costumes : Laura Rushton
musique aditionnelle : Arcangelo Corelli, Concerto grosso in G Minor, op. 6, N° 8 « fatto per lanotte di Natale » (Pastorale) interprété par Chiara Banchini & Ensemble 415 (Christmas, Music by Candlelight) ; Shin Joong Hyun, The Sun interprété par Kim Jung Mi (Beautiful Rivers and Mountains : The Psychedelic Rock Sound of South Korea’s Shin Joong Hyun)

Jusqu’au 21 avril 2018

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