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Radhouane El Meddeb à la Biennale College – Danza de Venise

Ça se passe sur le Campo San Trovaso, une des ces petites places vénitiennes où l’on est loin des foules de touristes, un havre de calme dans le Dorsoduro, non loin des Zattere.

Une scène parfaite, un peu surélevée naturellement, pour les évolutions de ce petit groupe qui se jauge en arpentant l’espace, se frôle sans se rencontrer, évite le contact direct, étrangers l’un à l’autre. Nous serons tous des étrangers, sous ce titre qui semble pointer l’actualité la plus récente avec ses flots de migrants, se cache, en fait, une autre indifférence, beaucoup plus ordinaire, celle de l’homme pour son prochain. Habilement conçus, ces déplacements d’hommes et de femmes qui s’ignorent, emplissent pourtant l’espace de leurs présences.

Soudain, les prémisses du Boléro de Ravel retentissent, se mettent en boucle, restent en quelque sorte en suspens, comme pour créer une tension supplémentaire dans cet huis-clos en plein air. Et effectivement, dès que la musique se fait entendre, les corps sont saisis d’une sorte de violence, parfois contenue, parfois qui pousse les uns contre les autres sans que pour autant un rapport ne puisse naître, et encore moins s’installer.

Galerie photo Michelle Davis

Les courses prennent alors un caractère d’urgence. Plutôt que des portés on voit des « volés » des « attrappés » des « accrochés » des « abusés ». Ils font penser à des animaux qui se mesurent avant de se « voler dans les plumes ». Et puis, le groupe reprend son cours, à côté les uns des autres mais pas ensemble, sans cesse empêchés par des frontières invisibles.

Très belle dans sa façon de pister chaque individu, Nous serons tous des étrangers n’est pourtant pas optimiste dans sa fin où chaque geste se répète en se désaccordant, comme des gens qui ont perdu leur nord, qui se bousculent et titubent… Avec intelligence, la pièce porte l’art de la litote à son maximum.

On ne peut qu’espèrer que Radhouane El Meddeb aura l’occasion de développer cette pièce de groupe au-delà de ces vingt formidables minutes, créées pour cette Biennale Danza.

Agnès Izrine

25 juin 2015, Campo San Trovaso, Biennale College – Danza, Venise

 

Nous sommes tous des étrangers
Chorégraphie : Radhouane El Meddeb
Avec : Claudia Caldarano, Yamila Khodr, Daniela Querci, Ilaria Orlandini, Davide Tagliavini, Angela Venturini.

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