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À propos de « Good Boy, histoire d’un solo » entretien avec Marie-Hélène Rebois

Good Boy sera diffusé sur notre plateforme de danse à partir du lundi 14 mars à midi, et pendant une semaine complète.  

En complément à la diffusion du film Good Boy, histoire d'un solo il nous a semblé intéressant d’interviewer sa réalisatrice, Marie-Hélène Rebois, célèbre pour ses documentaires (sur Dominique Bagouet, Merce Cunningham, Maguy Marin ou le festival Montpellier Danse) et ses films de danse, en particulier son long-métrage Dans les pas de Trisha Brown (2017) ou celui utilisé comme élément scénographique du ballet Dance de Lucinda Childs dans la version interprétée par l’Opéra de Lyon. 

Danser Canal Historique : Pouvez-vous nous dire un mot sur la genèse de votre film sur Alain Buffard ?

Marie-Hélène Rebois : J’ai su que Matthieu Doze avait hérité du solo Good Boy d’Alain Buffard. Ayant filmé Matthieu qui, avec Olivia Grandville, avait transmis So Schnell de Dominique Bagouet à l’Opéra de Paris, je le connaissais bien. Je l’avais rencontré dans la dernière année avant le décès de Dominique Bagouet. Matthieu était alors très jeune. Il avait vingt ans à peine lorsqu’il a perdu ce chorégraphe qu’il adorait. Et j’apprenais qu’il était devenu héritier du solo de Buffard sur le Sida après l’avoir accompagné dans toutes ses tournées pendant plus de dix ans. Je me suis dit : ce garçon si jeune qui a perdu son premier chorégraphe des suites du Sida et qui a choisi de poursuivre sa carrière aux côtés d’un autre chorégraphe Alain Buffard qui venait de créer un solo bouleversant sur le sida : » Good Boy , quel destin de danseur du 20siècle extraordinaire !

DCH : D’autant qu’il n’a pas du tout le physique de Buffard.

Marie-Hélène Rebois : Tant mieux ! C’était ça mon moteur de départ. J’ai fait trois films après la mort de Bagouet sur l’empreinte laissée par le chorégraphe sur le corps de ses danseurs. Donc, j’ai pensé : je vais suivre Matthieu lors de la reprise en 2017 de Good Boy. Et je l’ai suivi. A ce moment-là je ne savais pas encore si j’allais continuer à travailler sur cet héritage ou si j’allais raconter l’histoire du solo.Cette histoire, je l’ai amorcée par cette transmission. Après, je me suis vraiment centrée sur la gestuelle de Buffard que je trouvais fascinante. Plus je resserrais sur la gestuelle, plus tout s’ouvrait.

DCH : Dites-nous un mot du montage du film.

Marie-Hélène Rebois : Le film a été monté en trois étapes pendant la période des confinements. Je disposais de très peu d’images. Je voulais, par exemple, montrer l’importance du couple que Buffard formait avec son compagnon Alain Ménil,philosophe, qui avait écrit un livre sur le Sida l’année précédant la création de Good Boy. Ce qui, je pense, l’avait armé pour créer cette performance. Quelque chose de très sobre, de très pur. Je ne disposais d’aucune image en dehors de l’archive de Good Boy. Je n’avais pas de photos mais j’avais quelques textes. C’était une gageure pour moi de faire ça sans images, d’une certaine façon. Aucune image par exemple, d ’Alain Ménil avec Alain Buffard !  Et je ne voulais pas de commentaire. Cela a donc été un montage extrêmement difficile. Jocelyne Ruiz a été formidable. Nous avons travaillé ensemble assez longtemps. A chaque interruption due au confinement nous quittions la salle en nous disant : Ca y est, cette fois-ci, nous avons trouvé les bonnes places pour toutes les séquences. Et puis quand nous revenions plusieurs semaines plus tard nous nous disions que certains enchaînements n’étaient pas encore assez évidents. Grâce à ces breaks, le film a beaucoup gagné. Nous avons eu plus de recul.  Aujourd’hui, en revoyant le film, je peux dire que je suis très contente du résultat. Je n’y retoucherais pas.

DCH : C’est la voix de Buffard qu’on entend en off, au début ?

Marie-Hélène Rebois : Oui. Je l’avais enregistré en 2010 lorsque j’avais fait un film avec Arte pour les trente ans de Montpellier Danse. J’avais pris Alain Buffard et Raymond Hoghe comme fils conducteurs par rapport au festival de 2011. J’avais donc cet enregistrement où il disait : « je ne veux pas être Monsieur Sida ». J’ai eu un cas de conscience : je me suis dit que si le film était réussi, il resterait dans le futur comme référence. C’était une grande responsabilité. il fallait donc qu’il soit nuancé et qu’il mette le travail et le style chorégraphique d’Alain Buffard en valeur, il fallait que cette première œuvre y apparaisse comme la matrice des suivantes.

DCH : Nous avons l’explication du titre du solo grâce à l’intervention de Jean-JacquesPalix qui indique les deux sources musicales possibles : George Antheil et Kevin Coyne.

Marie-Hélène Rebois : J’ai bien aimé rencontrer Jean Jacques Palix et Ève Couturier. Ève et Jean Jacques ont beaucoup compté pour le couple des deux Alain. Eve connaissait Alain Ménil depuis l’enfance. Ils étaient à l’école ensemble. C’est Eve qui a présenté Alain Ménil à Alain Buffard… Je voulais que dans ce film il y ait un lien affectif qui circule entre les participants, un lien qui entoure la solitude poignante du corps d’Alain Buffard dans ce solo.

DCH : À cet égard, le témoignage de Jacqueline Caux est également très sensible.

Marie-Hélène Rebois : Oui. Et elle m’a permis de faire entrer Anna Halprin dans le film. C’est la partie où il y a le plus d’images ! Anna Halprin a été très importante pour l’histoire du solo. S’il n’était pas allé là-bas la rencontrer [en Californie], je ne suis pas sûre qu’il l’aurait fait. 

Propos recueillis par Nicolas Villodre le 18 février 2022

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