Ouverture au CND
Sous le titre Ouverture, le CND donnait à son tour (après 20 danseurs pour le XXe siècle de Boris Charmatz) un aperçu de l’histoire de toutes les danses pour le plus grand plaisir d’un public venu très nombreux découvrir ce lieu et ce qu’on y fait.
Toute l’après-midi de samedi et dimanche chacun pouvait même s’essayer à des ateliers éclectiques qui proposaient de la danse classique (avec Gil Isoart, ex danseur de l’Opéra de Paris et professeur) comme du Bollywood (avec Marion Carriau), du hip hop (avec Anne Nguyen et François Kaleka) du Jazz (avec Rick Odums), des claquettes (avec Victor Cuno) ou du contemporain (avec Noé Soulier ou Thierry Thieu Niang). Plus étonnant, les ateliers à forte teneur historique qui se proposaient de vous faire entrer dans l’univers de la danseuse expressionniste et rebelle, Valeska Gert, l’atelier Isadora Duncan et Nijinski, l’atelier Doris Humphrey et Kurt Joos. Il y avait aussi des ateliers enfant (Eszter Salamon) ou danse origami pour les plus petits, des danses latines, de la danse baroque, et de la danse africaine. Bref, de la danse pour tous les goûts et tous les âges.
Reportage filmé par Eric Legay
Mais le week-end était aussi l’occasion de découvrir un pan de l’histoire de la danse du XXe siècle, avec la présentation exceptionnelle et unique de Roof Piece, pièce mythique de Trisha Brown, créée en 1971 sur les toits de New York en jamais présentée en France jusque-là. Les danseurs habillés de rouge et disséminés sur les toits du CND et de bâtiment à proximité, se transmettent de façon sémaphorique, une chorégraphie de groupe dont les décalages imperceptibles tout en laissant percevoir un sentiment du temps de la transmission développe un unisson décalé. Ils révèlent un nouveau rapport au paysage qui nous entoure, dévoilent la majesté architecturale des lieux avec un frisson de vertige quand ils sautent dans les airs.
Reportage filmé par Eric Legay
On pouvait également retrouver Trisha Brown dans le hall du CND avec une séléction de Early Works – Accumulation Duet (1971), Corners (1976), Scallops (1973), Locus Duet (1975) – et d’extraits de pièces comme Present Tense (2003) et I’m going to toss my arms, if you catch them they’re yours (2011). C’était un vrai plaisir de voir de si près les sept danseurs de cette compagnie qui donnaient, en une trentaine de minutes, un aperçu complet du parcours artistique de cette immense chorégraphe américaine.
Mais le hall du CND a aussi accueilli a plusieurs reprises dans la journée une évocation formidable de Loïe Fuller (1862-1928) par Ola Maciejewska. Dans deux robes d’une ampleur gigantesque, elle reprenait des éléments de la célèbre Danse serpentine qui, en faisant onduler cette masse de tissu flottant, évoque tour à tour une fleur, un papillon, des vagues, des formes abstraites et mouvantes qui cette après-midi là ont manifestement captivé enfants et adultes.
Toujours dans le hall, Noé Soulier avait réuni Jose Paulo dos Santos et Nans Pierson pour une pièce étonnante. Nommée Grabbing, Pushing, Thrusting (aggriper, pousser, forcer) elle reproduit des combats de Jiu-Jitsu (art martial brésilien) qui consiste à se contraindre tout en s’emmêlant, c’est-à-dire à bloquer et développer à la fois le geste de l’autre par de subtiles imbrications de corps qui finissent par engendrer une sorte de chorégraphie qui rappelle les dernières œuvres créées par William Forsythe pour sa compagnie où la chorégraphie prend sa source dans l’empêchement même. Cela finit par engendrer une écriture chorégraphique horizontale, qui se déploie à même le sol, dans des méandres corporels qui mettent à mal nos repères anatomiques.
Reportage filmé par Eric Legay
Enfin, Trajal Harrell dans un tout nouveau studio évoquait de quelques simples frous-frous La Argentina et Kazuo Ohno, qui avait créé un hommage inspiré par ce mythe de la danse espagnole des années 1920/1930.
Et la journée se concluait par un Bal Slow concocté par Michel Reilhac, après la projection d’un très beau film de d’Axelle Poisson, sorte de road-movie inclassable qui faisait appel notamment à de sensibles solos dansés par Mathilde Monnier et Jann Gallois.
Il faut dire que c’est une des toutes premières fois où la circulation des gens et des œuvres a paru si fluide dans ce bâtiment brutaliste plutôt difficile à rendre vraiment accueillant. Ouverture inaugurait le premier temps fort de la saison nommée REVUE articulé autour des questions liées à la mémoire de la danse. Et Mathilde Monnier a su transformer cet événement en vraie fête de la danse.
Agnès Izrine
Ouverture au CND, 3 et 4 octobre 2015
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