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« Necesito, pièce pour Grenade » de Dominique Bagouet

La biennale de danse du Val-de-Marne rend hommage à Dominique Bagouet.

Dans les années 70/80, deux illustres artistes du spectacle vivant ont marqué leur époque en créant de nouveaux styles d’écriture et de danse qui, tant d’années plus tard, sont  toujours d’actualité et reprises de part le monde. Leurs concordances sont étranges bien qu’ils n’évoluent pas dans le même domaine artistique. 

L’auteur dramatique Bernard-Marie Koltès, né en1948 est mort en 1989 à 41 ans du sida dont les pièces étaient construites exclusivement sur le texte dans une langue pleine de musicalité où le rythme et la poésie, parfois violente, furent l’essence même de son œuvre si riche et si intense qu’une mise en scène actuelle trop chargée ou trop superficielle pourrait défigurer. 

Le danseur et chorégraphe Dominique Bagouet, né en 1951 est aussi mort du sida à 41 ans en 1992. Il impose clairement sa personnalité et son style en composant le mouvement de très nombreux petits gestes (jeux des pieds et des mains, inclinaison particulière du torse...) sans aucun maniérisme et d'une redoutable précision. Au cœur du renouveau de la danse d'auteur des années 1980 il fut et est toujours, l’une des grandes figures de la danse contemporaine.

Galerie photo © Laurent Philippe

De nombreuses transmissions des pièces des deux hommes sont plus ou moins cohérentes au risque de trahir leurs œuvres. Et justement ce ne fut pas le cas à l’occasion de la 22e Biennale de danse du Val-de-Marne qui se déroule jusqu’au 6 avril et qui rend hommage aux 30 ans de la disparition de Dominique Bagouet avec sa dernière création, Necesito, pièce pour Grenade

Sous la houlette de Rita Cioffi, (danseuse en 1991 dans cette œuvre) neuf interprètes de l’Ensemble chorégraphique du Conservatoire de Paris font revivre avec humour et fougue l’imaginaire du chorégraphe. Rita Cioffi s’est emparée de  l’histoire de cette pièce solaire qui suggère une Espagne qui se déploie entre le clapotis des fontaines dans les patios et la sensualité des chants arabo-andalous et mélodies populaires. 

En découvrant un sol de marbre rose incrusté de mosaïques qui rappelle l’Alhambra, un groupe de touristes un peu farfelus, s’extase et s’étire voluptueusement, puis s’assoie ou s’allonge. Sur les musiques et chants enregistrés, les très jeunes danseurs et danseuses évoquent une pléiade de situations pleines d’humour dans une chorégraphie d’une intense richesse qui oscille parfois entre un style plus néo-classique que contemporain. 

Galerie photo © Laurent Philippe 

Il y a de la tendresse, de la folie et même des délires entre les danses de groupes et les quelques solis ou duos. Des castagnettes aux chants arabes, sans omettre l’importance de la religion délicatement dessinée, transpirent aussi la chaleur et les odeurs de l’Andalousie tout comme les différentes cultures qui, au fil des siècles, ont fait de Grenade un haut lieu culturel et historique. Il est vrai que Necesito,dernière pièce de Bagouet (1991), est aussi celle d’un retour aux sources dans la mesure où la pièce évoque la scène originelle qui fit entrer le jeune Dominique dans la danse : un danseur de flamenco aperçu dans un tablao sur les ramblas de Barcelone lors de vacances avec ses parents et forme ainsi une boucle invisible mais bien présente.

Un délice, quoique un peu trop lisse, mais si faussement désinvolte, qui nous embarque dans un voyage au pays de l’imaginaire inventé par Dominique Bagouet. Preuve en est, que les créateurs des années 70/80 ne sont et ne seront jamais démodés tant leurs œuvres sont d’une exceptionnelle originalité car Bagouet et Koltès, qui ont initié un nouveau style d’art, sont joués dans le monde entier depuis plus de trente ans.  

Sophie Lesort

Spectacle vu le 10 mars 2023 au Centre des Bords de Marne du Perreux-sur-Marne, dans le cadre de la Biennale de danse du Val de Marne

Le 18 mars au Théâtre Claude Debussy, Maison-Alfort 
Biennale de  danse du Val de Marne, jusqu’au 6 avril 2023

Necesito, pièce pour Grenade

Chorégraphie : Dominique Bagouet (1991)  

Reconstruction chorégraphique sous la direction de Rita Cioffi
Reconstruction de la bande sonore : Laurent Gachet
Lumières : Manuel Bernard  
Costumes : Cathy Garnier  
Interprètes - Ensemble chorégraphique du Conservatoire de Paris ( CNSMDP)  : Adam Fontaine, Yingyu Lyu, Suzanne Henry, Lou Chaleix, Lisa Rinsoz, Emma Lois, Tom Guilbaud, Arthur Bordage, Ines de Vilhena
Maitresse de Ballet : Céline Talon  
Régisseur général et plateau : Jérémie Sananes
Régisseuse lumière : Pauline Falourd

 
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