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« Motifs » de Pierre Pontvianne à l’Atelier de Paris : Entretien

Le duo historique de Pierre Pontvianne revient dans une nouvelle distribution. A voir les 26 et 27 janvier à l’Atelier de Paris.

Danser Canal Historique : Vous reprenez Motifs, un duo que vous avez interprété vous-même à partir de 2014 et vous avez transmis votre rôle à Paul Girard. Quels sont les motifs de la reprise de Motifs ?

Pierre Pontvianne : Avec le temps une pièce peut décanter, parfois elle peut même prendre un autre sens, parfois elle prend tout simplement des rides, ça dépend de la manière dont on regarde les choses. Ce que je trouve important c’est qu'elle traverse le temps. Je ne ressens pas le désir de la course à la nouveauté et Motifs parle d’un moment précis dans ma recherche chorégraphique qui se situe dans le passé. La présence de Marthe Krummenacher, interprète originale de la pièce, permet de faire revenir l’essence du travail et l’arrivée de Paul Girard permet l’apparition de nouvelles facettes.

DCH : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur Motifs ?

Pierre Pontvianne : Avec le recul, je regarde ce duo de manière assez extérieure, avec plus de distance et plus de calme qu’à l’époque où je le dansais. Je le regarde vraiment comme un poème, comme quelque chose qui a des dimensions qui sont de l’ordre du poétique, de la résonance, notions assez présentes dans mon travail. Le fait de disposer d’un répertoire et de reprendre les pièces permet de voir qu’au fond on travaille un peu tout le temps les mêmes choses. Il y a des motifs qui sont là depuis le début : le rapport à l’autre, le lien, le rapport au temps et comment on s’en empare.

DCH : A partir de ces questionnements, de quoi est tissé Motifs et qu’est ce qui a nourri votre écriture ?

Pierre Pontvianne : Je parle très rarement des sources d’une pièce, je suis assez discret avec ça. C’est de l’ordre de la pudeur. À une époque, je m'amusais à parler de flou artistique. À vrai dire je pourrais expliquer les choses, mais je préfère les contourner, dans le sens où dessiner leurs contours laisse la possibilité à chacun d’investir par son regard l’objet avec le sens qui lui tient à cœur. Il y a en tout cas dans Motifs cette interconnexion des corps, le lien entre des êtres qui s’entraident, se cherchent. Ce qui les lie… Qu’est-ce qui nous lie?

DCH : Les deux interprètes se trouvent-ils dans une situation choisie ou imposée ?

Pierre Pontvianne : Les deux interprètes sont liés par les mains ou les bras, pratiquement tout le temps. Cela leur demande de comprendre comment ils doivent réagir, interagir, se répondre, inventer tout au long de la pièce. Cela leur demande de dialoguer. Une écoute très particulière doit naître entre eux de manière à ce qu’ils restent liés même quand ils ne se touchent pas. Ce n’est pas que physique, c’est de l’ordre de la relation. C’est quelque chose qui se ressent.
La pièce pose un contexte où l’écriture est très précise et organisée et elle ne fait sens que si elle disparaît dans le lien. Quand je travaille avec des interprètes, je pense qu’il est nécessaire que les pièces deviennent les leurs. Une création, c’est pour moi une rencontre avec des êtres qui possèdent une connaissance qui n’est pas la mienne. On se donne mutuellement des choses. Je me demande parfois si cette intime relation entre l’écriture et l’interprète n’apporte pas une dimension éphémère à mon travail. Quelque chose en lien avec le présent, qui à mon avis, à toute son importance dans le spectacle vivant, et que je nourris.

DCH : Par ces échanges avec les interprètes et le rôle actif que vous leur confiez, vous arrivez finalement toujours à une écriture de très grande précision. Faut-il y voir un paradoxe ou un aboutissement logique ?

Pierre Pontvianne : Quand nous commençons un processus, nous ne savons pas où nous allons. Puis certaines choses s’imposent à nous. Ensuite l’écriture intervient comme pour attraper ces choses en plein vol. Après il y a les détails, les couleurs, les qualités etc. Finalement, le regard du spectateur est dirigé vers des choix très définis et pointilleux, ce que certaines personnes, en parlant de mon travail, appellent de la radicalité. Mais je reste attentif à ce qu’il y ait la possibilité de tirer des fils vers des sujets politiques, philosophiques, sensibles ou même personnels.

DCH : Le regard du public est donc lui aussi à la fois dirigé et libre, d’autant plus que, comme vous venez de l’expliquer, vous évitez de tenir un discours sur vos créations.

Pierre Pontvianne : En tout cas, je veille à ne pas développer un discours qui parle à la place de mes pièces. Aussi je ne souhaite pas vraiment raconter comment le processus de création s’est déroulé… À la fin, c’est avec les corps au plateau qu´un dialogue avec le public est possible. Et à ce moment-là, je crois qu’on ne maîtrise pas vraiment le déploiement du sens ni la multitude de questions que soulève une œuvre. Une création reste une collision, une rencontre entre un public, un imaginaire et un contexte de société.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Motifs de Pierre Ponvianne, avec Marthe Krummenacher et Paul Girard

Les 26 et 27 janvier 2023 à l’Atelier de Paris CDCN

 

 

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