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« Miracles » de Bouba Landrille Tchouda

Nous avons découvert en matinée, à l’heure et en compagnie des écoliers, dans la magnifique salle du Rive gauche, le centre culturel de Saint-Étienne-du-Rouvray, la dernière création de Bouba – le chorégraphe, pas le rappeur au prénom homophone – ayant pour titre Miracles. Bouba Landrille Tchouda a conçu cette pièce pour et avec trois danseurs de grand talent, chacun dans sa branche, l’une, Annelise Pizot, issue du contemporain, les autres, Razy Essid et Noah Mgbélé Thimothée venus du hip-hop. 

La jeune femme, gracieuse, précise et juste dans sa gestuelle, conjure une timidité naturelle en acceptant de se lancer la première dans l’arène avec une variation d’environ cinq minutes – il est vrai, exécutée dos au public. Les deux garçons ou, si l’on veut, B-Boys, sont, mine de rien, des cracks, champions, chacun dans sa catégorie, en breakdance pour Razy, en équilibres de tout acabit pour Noah. Ce dernier pratique la danse « debout », certes, mais en marchant sur les mains. Avec son prénom biblique, il pourrait marcher sur l’eau, ne serait-ce que pour illustrer le titre d’une pièce qu’il conclut presque religieusement. Pour justifier un nom prédestiné – comme celui du boucher du village, qui avait pour patronyme Vacher. Ou, simplement, pour le fun. Avec l’aérienne Annelise, il réalise un remarquable pas deux où il sert de support à la danseuse, qui lui marche littéralement dessus un assez long moment, en diverses parties du corps sans poser pied au sol. Tous deux ne font qu’un, une structure biomorphique agréable à voir. 

En trio, chacun garde son quant à soi, son autonomie, sa ligne de force. Razy est à la fois costaud et d’une étonnante vivacité. En outre, parmi les contributeurs à ce spectacle, ont été sollicités trois collaborateurs familiers du chorégraphe qui jouent ici des rôles essentiels : Yvan Talbot, auteur d’une partition électro-acoustique brillante aux multiples contrastes, Fabrice Crouzet, maître ès modulation de lumières – au sens où l’entendait László Moholy-Nagy – et Rodrigue Glombard, le scénographe, qui a imaginé et matérialisé ce que  Bouba appelle un « module », un monolithe géant, menhir en acajou, totem amovible, transformable, ayant une fonction dynamique et symbolique tout au long de la représentation. On songe à la mâchoire de dinosaure en bois et acier utilisée par Béjart dans son ballet Le Teck (1956) ou, encore, aux culbutos d’Oscyl de Fattoumi-Lamoureux inspirés des sculptures de Hans Arp. 

Le module est plus qu’un modulor, l’unité de mesure du Corbusier aux dimensions du tatami ou d’un homme de Vitruve qui aurait le bras levé. Le monolithe, sorti de l’ombre, fascine, méduse, sidère la danseuse mais aussi le public. Les enfants de la séance scolaire en sont restés bouche bée, près d’une heure durant. L’objet aux formes cubiques a l’utilité d’un coffre, de ce meuble primitif que nomades du désert comme seigneurs médiévaux transbahutaient d’halte en halte. Il devient, au cours de la pièce, quatrième partenaire de jeu pour les danseurs. Il a aussi sans doute également une dimension archaïque, mythique, sacrée. Ce qui est confirmé par le final de la pièce, le beau solo de Noah Mgbélé Thimothée efficacement soutenu par les rythmes et les chants guerriers de la B.O.

Nicolas Villodre

Vu le 15 octobre 2020 au Rive gauche de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Les représentations prévues de Miracles ont été reportées au Grand angle de Voiron à la date du 12 mars 2021, à 14h30 et à 20h.

 

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