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Marie-Jo Faggianelli : « Ciel intermédiaire »

Marie-Jo Faggianelli crée un nouveau solo, sorte de cheminement poétique au charme volatil.

Ciel intermédiaire est une chorégraphie du souffle et du détail. Marie-Jo Faggianelli nous entraîne dans un solo où la femme est une fille de l’air. Tout est immobile et tout s’expose dans ce corps entre ciel et terre. Au sol, des herbes coupées exhalent l’odeur des champs, de la liberté, d’un ailleurs à préserver. Ici, elle est seule, elle est pensive, un pas encore et c’est la solitude et l’abandon. Elle s’échappe la bouche ouverte, sa manière de s’offrir c’est de se cacher. Voyez-la qui remonte jusqu’à son menton cette longue jupe, échevelée dans le ciel.

Retour au calme. La diagonale qui la relève a l’air d’attendre ce mouvement immobile des lignes au-dessus des remous intimes, au-dessous de l’horizon. Avant qu’elle ne s’allonge, respire dans cette prairie silencieuse. Elle est cette femme allongée avec ce corps avalé et ce bras qui tombe de toute sa longueur station, poids, durée. Au bout de sa main, un appel au vide fait palpiter le temps. Toute vêtue d’une jupe aux plis onduleux, pareil au fil de l’eau, qu’elle maintient d’un doigt, elle continue son va et vient.

À rebours du mouvement de son corps, elle détourne la tête, cherche l’échappée. Là-bas, des voix font retentir une vie ordinaire, peut-être brutale, peut-être dérangeante. Elle semble osciller de l’emportement à la plus extrême retenue, chacun de ces états renfermant la même intensité de violence et d’attente. Mais toujours elle repart, avec ce hanchement oblique, et toujours elle détale à petits pas nerveux ou en longues enjambées.

La chorégraphie semble appeler la lumière, une brume d’été légère, et laisse glisser l’imagination. La terre et le ciel peuvent bien s’inverser, il y a quelque chose de l’éther dans chacun de ses mouvements, et une terre qu’on devine lourde et peut-être un peu grasse dans les sons un peu communs qui parviennent, comme étouffés, d’une autre vie.

Il y a quelque chose d’obstiné, d’entêté dans ces parcours qui reviennent, dans ces revirements incessants où le corps s’abat et se redresse. Avec une gestuelle minimale, une attention égale au suspens et au mouvement, Marie-Jo Faggianelli interroge l’éprouvé de la sensation. Elle travaille une mémoire enfouie dans les corps et cet événement éphémère qu’est la danse. Acuité, fragilité, immédiateté, elle ouvre une sorte de pulsation au sein même de ses chorégraphies, qui nous rappelle que la danse est toujours une affaire de disparition.

Agnès Izrine

Le 1er février 2020. Théâtre Victor Hugo, Bagneux, dans le cadre d'Auteurs en Acte.

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