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Made in America à Lyon

Avec deux entrées au répertoire, et non des moindres, le dernier programme de la saison 2015-16 du Ballet de l’Opéra de Lyon s’annonçait particulièrement riche. Il a tenu ses promesses. Winterbranch, de Merce Cunningham et surtout Dance, de Lucinda Childs, ont fait l’objet d’une véritable résurrection :  le premier parce que depuis sa création en 1964, il n’avait quasiment pas été vu sur une scène française, hormis il y a deux ans pour une poignée de représentations au Théâtre du Châtelet par le L.A. Dance Project de Benjamin Millepied ; le second car, pour l’occasion, le film mythique de Sol Le Witt qui lui sert de décor et de contrepoint rythmique avait été entièrement re-tourné avec les danseurs lyonnais.

"Winterbranch" photos : Jaime Roque de la Cruz

Ouverte avec Winterbranch, la soirée passait successivement de l’ombre à la lumière. Ombre austère du plateau, conçu par le plasticien Bob Rauschenberg comme une scène nocturne en bordure d’autoroute, balayée de phares de voiture. Ombre projetée des silhouettes des danseurs, vêtus de noir, qui arrivent, tombent et sont transportés immobiles hors de la scène. La partition de La Monte Young, stridente et métallique, accentue encore l’impression d’un monde impersonnel, où les chutes des interprètes ne sont autres que l’expression de phénomènes mécaniques dénués de sens. Incomprise à sa création, la pièce frappe aujourd’hui encore par sa radicalité, à mille pieds au-dessus de tous les ersatz vus depuis. Mais si les codes de son écriture nous sont aujourd’hui plus familiers, elle laisse néanmoins souvent le spectateur à la lisière de cet objet chorégraphique non identifié.

"Dance" photos Jaime Roque de la Cruz

Tout autre est le sentiment offert par Dance, pur moment de jubilation partagée sur scène et dans la salle. Lumière, cette fois, irradiant des danseurs en maillots et pantalons blancs, qui traversent le plateau en grands jetés, de cour à jardin et réciproquement. Lumière, encore, que la musique répétitive et hypnotisante de Philip Glass, qui accompagne ces sauts infiniment rebondissants. Lumière, enfin, de l’éclat retrouvé du film-décor, réalisé avec un soin infini par Marie Hélène Rebois, documentariste et spécialiste des films de danse, qui a plan par plan reconstitué les images de Sol Le Witt. Voir sur l’écran les danseurs lyonnais, avec leur fougue et leur virtuosité, en exact écho à leur présence scénique, rend au chef d’œuvre de Lucinda Childs toute sa force originelle. Le solo de la deuxième partie, interprété par Noëllie Conjaud, est une merveille tant elle sait faire siens les mouvements jadis imaginés pour elle-même par Lucinda Childs. Et la troisième partie, où se multiplient les figures, lignes et tracés dans l’espace, semble soulever littéralement du sol les danseurs, laissant le public en apesanteur. Ebloui et heureux.

Isabelle Calabre

Du 13 au 17 avril à l’Opéra de Lyon.

 

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