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« Les Voyages de Don Quichotte », Opéra national de Bordeaux

Pour son entrée en fonctions à la tête de l’Opéra national de Bordeaux, Marc Minkowski a vu grand : un conte musical en cinq tableaux et deux lieux, trois même si l’on prend en compte la promenade Cours de l’Intendance, escortés par quelques cavaliers en costume et à fière allure évoquant le monde de Don Quichotte. Car c’est bien le chevalier à la triste figure qui est ici à l’honneur, à l’occasion du quatre centième anniversaire de la mort de son créateur Miguel Cervantès.

D’où un parcours à la fois géographique et musical, qui commence dans l’enceinte du très moderne Auditorium de Bordeaux avec trois Chansons  de Ravel, initialement créées par le compositeur pour le film  Don Quichotte  du cinéaste allemand Pabst - qui lui préféra finalement Jacques Ibert. Interprétées par Andrew Foster-Williams et Alexandre Duhamel, sous la direction de Paul Daniel, elles étaient précédées de l’inévitable ( ?) « Quête », extraite de L’Homme de la Mancha  que rendit célèbre Jacques Brel, interprétée par la mezzo-soprano Anna Bonitatibus.

Venait enfin, pour conclure cette première halte, le Don Quichotte de Richard Strauss, brillant poème symphonique en dix variations où le violoncelle d’Alexis Descharmes donnait voix à la geste du noble héros. Si l’on excepte une inutile vidéo déroulant en fond de scène les paysages silencieux de la Manche, l’ensemble présentait jusque là un équilibre plutôt bien dosé entre divertissement et plaisir musical, hors-d’œuvre résolument festif au plat de résistance qui n’allait pas manquer d’être servi en deuxième partie de soirée, sous les ors du Grand-Théâtre.

Galerie photo © Frédéric Desmesure

C’est là en effet que M. Minkowski conjuguait, sur le papier en tout cas, l’ensemble des forces vives placées sous sa direction, associant l’orchestre national de Bordeaux Aquitaine, le chœur de l’Opéra national de Bordeaux mais aussi et surtout, pour l’amateur de danse en tout cas, le Ballet. On a déjà vanté ici, à plusieurs reprises, les belles qualités de cette compagnie dirigée depuis 1996 par le chorégraphe Charles Jude. On avait pu en avoir encore un aperçu en juin dernier, lors de la reprise superbement dansée du Messie de Mauricio Wainrot.

Et même si l’on s’est étonné que, en pareille et solennelle circonstance, la chorégraphie de l’ouverture de saison, et de mandat, soit confiée à Blanca Li plutôt qu’au directeur de la troupe, on attendait avec curiosité de voir ce que l’Andalouse allait imaginer pour ces excellents danseurs. Le moins que l’on puisse dire est que, en la matière, on est resté sur sa faim. Si l’exécution des premier (en partie), quatrième et cinquième actes du Don Quichotte  de Massenet fut musicalement une heureuse découverte, la danse y tenait une place si minime que l’annonce sur le programme d’une chorégraphie relevait quasiment de l’imposture… ou du mirage. Un unique duo de deux solistes, l’étoile Sara Renda et le premier danseur Oleg Rogachev, dont la durée n’excédait pas cinq minutes, fut quasiment tout ce qui fut donné à voir.

On ne peut s’empêcher de songer que, puisque la soirée était délibérément conçue comme un patchwork d’œuvres et d’époques, offrir au public ne serait-ce qu’une variation ou le célèbre pas de deux du  Don Quichotte de Minkus et Petipa, sommet de virtuosité classique, n’eut point été du luxe. Ou bien, à tout le moins, laisser à Blanca Li la possibilité d’ « en faire plus », voire, soyons fous !, imaginer la création d’un véritable ballet original sur ce thème, confié pourquoi pas à Charles Jude…

Bref une initiative qui donne véritablement sa place à un Ballet dont le soin - dans le sens du care à l’anglaise - fait aussi partie des responsabilités de M. Minkowski. On prête à ce dernier, lors de sa prise de fonctions, des déclarations peu amènes signifiant nettement son manque d’intérêt pour la danse en général et ses représentants bordelais en particulier. Une chose, en tout cas, est sûre : lorsque l’on a la chance de diriger une maison réunissant un orchestre et un ballet, la part ridicule laissée à la danse dans ces Voyages de Don Quichotte  donne d’emblée un signal négatif, même carrément inquiétant, quant à la considération qui lui est portée. A l’heure où, d’ici deux à trois ans, s’annonce la future succession de Charles Jude, cet ‘oubli’ est de très mauvais augure.

Isabelle Calabre

Du 17 au 25 septembre.

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