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Les promus de l'Opéra : Jennifer Visocchi

Jennifer Visocchi a été promue coryphée le 1er janvier 2015

Danser Canal Historique : Vous avez eu un parcours relativement classique pour une danseuse de l’Opéra de Paris, mais néanmoins semé d’embûches, semble-t-il…

Jennifer Visocchi : J’ai commencé la danse classique à 6 ans, parallèlement à la GRS. Je préférais cette dernière à vrai dire : il y avait plus de mouvements, les agrès… Mais mon professeur de danse m’a dit de tenter l’École de danse de l’Opéra. J’ai passé l’examen et je suis entrée à 9 ans, j’y suis restée jusqu’à 17 ans après avoir redoublé la 6e et la 1ère division. Puis je suis entrée dans le Corps de ballet où j’ai passé sept concours de promotion interne sans succès. Et là, dans ma tête, c’était vraiment le dernier : Soit ça passait. Soit ça cassait ! Mais j’étais sûre de ne plus recommencer.

DCH : Pourquoi n’arriviez-vous pas à franchir cette épreuve, selon vous ?

Jennifer Visocchi : En réalité, il y a plus d’échecs que de réussites dans ce métier. Et le concours n’est pas facile. Même quand on pense réussir, la chance n’est pas toujours au rendez-vous, le jury ne pense pas à vous à ce moment-là…

DCH : Pourtant vous vous êtes distinguée dans de nombreux rôles, vous n’étiez pas si anonyme…

Jennifer Visocchi : J’ai été distribuée assez souvent à des places de Coryphées, voire de Sujets. Beaucoup m’imaginaient d’ailleurs dans ces grades, mais je restais Quadrille. Ce fut une étape douloureuse. Si je n’étais pas montée cette année je serai passée à autre chose…

Du coup, j’ai choisi une variation qui me correspondait. C’était moi : la musique, le côté « petite femme décidée ». J’étais heureuse d’être sur scène et plus heureuse encore de penser c’est le dernier ! J’ai un caractère à ne pas revenir en arrière.

DCH : Comment aviez-vous déniché cette variation de Twyla Tharp ?

Jennifer Visocchi : C’est très drôle, j’avais choisi tout à fait autre chose, soit la variation de l’Élue du Sacre du printemps de Maurice Béjart. Mais cette année, contrairement aux autres, nous avions une grosse charge de travail et c’était un peu la panique. Généralement, je savais cinq semaines avant ce que je voulais danser. C’est mon meilleur ami, qui est aussi danseur à l’Opéra qui m’a signalé la variation de Twyla Tharp en me disant : « Regarde, c’est toi. »

Lydie Vareilhes l’ayant présentée l’an dernier, je lui ai demandé le DVD. Dès que je l’ai vu, j’ai réalisé qu’il avait raison. C’était un peu risqué, car ce n’est pas ce que les Quadrilles proposent généralement, et elle est un peu courte. Mais très difficile techniquement. Beaucoup de pirouettes, une gestuelle à travailler… Je l’ai montée en trois semaines. Je n’aime pas me préparer trop tôt parce que j’ai un mouvement assez rapide et si je répète trop longtemps ça se délite. Il faut que ça reste spontané. Et j’avais envie d’apporter un petit vent frais, car avec dix-huit filles avant moi, tout le monde se fatigue, il faut montrer une personnalité.

 

DCH : Qui vous a coachée ?

Jennifer Visocchi : J’ai eu Carole Arbo comme professeur en 1ère division, du coup j’ai travaillé avec elle, mais c’est Stéphanie Romberg qui m’a le plus aidée. Au début, on déchiffre la variation et j’y ai passé deux heures et demie pour une minute trente. Stéphanie Romberg m’a assistée sur les mouvements à trouver, le petit effet supplémentaire et Carole Arbo a peaufiné ensuite.

DCH : On vous a vue plus souvent distribuée dans les pièces contemporaines, est-ce un choix de votre part ?

Jennifer Visocchi : J’aime autant le classique que le contemporain, mais je suis restée longtemps Quadrille et dans ce cas on est plus souvent distribuée dans le contemporain. Cependant j’ai fait les Chats dans La Belle au bois dormant l’an dernier avec Léonore Baulac, et j’ai été soliste dans le deuxième couple du Palais de Cristal. Donc j’ai eu accès à de petits rôles, mais j’ai eu plus de chance dans le contemporain comme récemment avec la création de Nicolas Paul Répliques (qui sera créée en mars 2015 NDLR) qui m’a donné un beau rôle aux côtés d’une Étoile et de deux Premières danseuses.

DCH : Quels sont les rôles que vous aimeriez danser ?

Jennifer Visocchi : J’ai beaucoup aimé travailler avec William Forsythe quand il était venu pour In the Middle Somewhat Elevated, ainsi que sur Pas./Parts où je n’étais que remplaçante. Après, j’adorerais danser dans Le Parc d’Angelin Preljocaj. Sinon, je me verrais bien dans Carmen de Roland Petit, mais je ne suis pas sûre qu’il y ait une reprise dans les années qui viennent.

DCH : Vous vous produisez également hors de l’Opéra, je crois…

Jennifer Visocchi : En dehors de l’Opéra, je danse avec la compagnie Incidence Chorégraphique de Bruno Bouché (chorégraphe, par ailleurs Sujet à l’Opéra NDLR). Nous nous produisons beaucoup et ça m’a permis de garder le moral et la forme quand je n’étais que Quadrille car il me donnait les rôles que je voulais, des Pas de deux classiques, des rôles dans des créations . C’est différent de l’Opéra car il n’y a pas de distribution, pas de hiérarchie marquée.

Avec Yvon Demol dans After pour Incidence Chorégraphique

DCH : Du coup, vous avez peu de temps pour faire autre chose…

Jennifer Visocchi : En dehors de la danse j’ai assez peu de temps disponible. Je suis assez fière d’avoir réussi à construire une belle vie privée. Je suis en couple depuis dix ans et je vais bientôt me marier. Selon moi, c’est indispensable d’avoir une personne sur qui s’appuyer. Mon compagnon m’a beaucoup soutenue quand je songeais à tout arrêter. Il n’est pas danseur et d’ailleurs, je crois qu’il n’apprécie la danse qu’en me voyant sur scène. Il a vécu une torture en venant voir le concours pendant sept ans ! J’ai également des amis qui comptent, comme Amandine Albisson, qui en est à une autre stade (elle a été récemment nommée Étoile) ou Yvon Demol.

Et puis j’aime la mer, le soleil, les voyages, comme dans ma variation…

Propos recueillis par Agnès Izrine

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