Les promus de l'Opéra : Hannah O'Neill
Hannah O’Neill a été promue Sujet le 1er janvier 2015
Danser Canal Historique : Il semblerait que vous n’ayez pas le parcours habituel des danseurs de l’Opéra de Paris…
Hannah O’Neill : Je ne suis pas française. Je suis née à Tokyo et j’ai commencé la danse là-bas à 3 ans. Ma mère est japonaise et mon père néo-zélandais, et rugbyman. Ma famille est très sportive, voire athlétique. J’ai donc pratiqué de nombreux sports, de la natation, du ski. Quand j’ai eu 8 ans, nous avons tous déménagé en Nouvelle-Zélande et j’ai continué la danse là-bas. Mon père était assez strict sur les études, j’ai donc dû passer mon premier grand concours vers mes 13 ans au Japon, où je crois avoir été classée 6e alors que j’étais la plus jeune. Du coup, mon père m’a dit que je pouvais peut-être tenter ma chance dans la danse. À 14 ans, j’ai passé le Youth America Grand Prix et j’ai obtenu une bourse qui m’a permis d’entrer à l’école de l’Australian Ballet School à Melbourne. J’y ai passé presque quatre ans. À la fin de ma 1ére année j’ai été sélectionnée pour participer au Concours de Lausanne que j’ai gagné en 2009. Ensuite, j’ai recommencé le Youth America et j’ai gagné la Médaille d’Or senior. En 2011, j’ai passé le concours externe pour entrer à l’Opéra de Paris.
Hannah O'Neill au Prix de Lausanne 2009 dans La Bayadère (Les Ombres)
Hannah O'Neill au Prix de Lausanne 2009 dans Prélude CV de John Neumeier
DCH : Vous êtes donc entrée directement dans le Corps de ballet…
Hannah O’Neill : Oui, je suis entrée comme surnuméraire et je l’ai été pendant deux ans. Au 3e concours, j’ai été engagée en juillet, ensuite, j’ai passé mon premier Concours de promotion interne et je suis montée coryphée. Cette année nous nous sommes présentés au Concours de Varna, Jeremy-Loup Quer et moi et nous avons reçu la médaille d’Argent. Ensuite, j’ai été distinguée par le Prix Carpeaux, et dans la foulée, je suis devenue Sujet lors du dernier Concours…
Hannah O'Neill et Jeremy-Loup Quer à Varna
DCH : Aimez-vous particulièrement les concours ?
Hannah O’Neill : Non, je n’aime pas forcément ça. Mais, quand j’étais jeune, c’était ma seule opportunité de danser sur scène et de danser des variations du répertoire. C’est ce qui m’a permis de danser devant un public et c’est ce que j’aime. Par contre, l’ambiance du Concours de promotion interne est très spéciale. Surtout cette année je trouve. L’an dernier, ça m’avait semblé très différent, beaucoup plus sympathique. Cette année, c’était plus stressant.
DCH : Pourquoi selon vous ?
Hannah O’Neill : Je ne sais pas trop. Je me sentais très seule. Peut-être aussi à cause du caractère que suppose le rôle de Gamzatti dans La Bayadère. Bien sûr, il y a eu cet incident qui m’a fait ployer le genou dans la variation imposée, mais surtout, j’ai pris beaucoup moins de plaisir sur scène que d’habitude. Je ne me suis pas sentie aussi libre que je l’aurais souhaité.
En fait, je ne pensais pas du tout gravir un échelon cette année. Je suis la plus jeune des coryphées, je n’avais pas beaucoup d’attentes, surtout après le « raté » avec le genou. Je me suis dit, « ce n’est pas grave, essaie de bien finir ». En même temps, c’est le genre de pépin qui peut arriver également en spectacle, il faut apprendre à ne pas se laisser trop décontenancer dans ce cas.
DCH : Pourquoi avez-vous choisi le Ballet de l’Opéra de Paris ?
Hannah O’Neill : C’était mon rêve de danser ici. Quand j’étais très jeune, tous les danseurs que j’admirais sur les vidéos étaient ceux de l’Opéra de Paris. Peut-être parce que j’habitais au Japon et que là-bas, ils sont très populaires. Il existe une grande culture en danse classique au Japon et l’Opéra de Paris y est très renommé. Quand je suis partie en Australie, j’ai pensé que mes chances d’entrer à l’Opéra de Paris étaient très minces. Mais, lors de ma dernière année, j’ai beaucoup réfléchi et je me suis dit qu’il fallait que je tente ma chance car si je ne le faisais pas, je le regretterais toute ma vie. Et… ça a marché !
DCH : L’arrivée à Paris n’a pas due être très simple…
Hannah O’Neill : Je savais à peine dire bonjour et merci quand je suis arrivée. C’était assez terrible. J’étais à la fois très excitée, parce que c’est Paris, mais c'était difficile à vivre. Surtout que nous finissons en Australie, l’année scolaire en décembre, et je suis partie en septembre. Toutes mes amies étaient en train de préparer le spectacle de fin d’année et moi j’étais là. Je n’avais pas pu leur faire mes adieux. Même si, je suis très heureuse d’être là.
DCH : Comment se sont passés vos premiers mois dans le Corps de ballet ?
Hannah O’Neill : Au début je ne parlais pas. Je venais de l’extérieur, j’étais étrangère, donc dans une position un peu délicate. Mais j’ai rencontré assez vite des personnes sympathiques et je suis restée avec eux pendant un an. Depuis que je parle français, c’est mieux.
DCH : Vos parents viennent-ils parfois ?
Hannah O’Neill : Mes parents sont restés en Nouvelle-Zélande, mais ma mère vient me voir. Elle était là pour le Concours. Et j’ai un frère qui habite Londres en ce moment, donc nous ne sommes pas si loin l’un de l’autre.
DCH : Pourquoi avez-vous choisi en variation libre La Nuit de Walpurgis de George Balanchine ? C’est une variation plutôt rare…
Hannah O’Neill : Ça fait longtemps que cette variation n’a pas été dansée à l’Opéra. En fait, je n’avais aucune idée et je n’arrivais pas à m’arrêter sur quoi que ce soit. Du coup, je me suis souvenue que mon coach, Laurent Novis me l’avait proposée l’année dernière et j’ai pensé qu’elle serait agréable à danser et que personne ne la prendrait, ça changerait un peu. De plus, par rapport à Gamzatti en variation imposée qui est très carrée et très difficile à danser, Balanchine apportait un autre style, quelque chose de plus léger. En tout cas, j’avais beaucoup de plaisir à la danser en studio et elle m’a permis de progresser. Je pense être une danseuse un peu trop « raide » en tout cas, pas aussi déliée que je le souhaiterais. Les mouvements de Balanchine m’ont aidée à trouver autre chose.
DCH : C’est-à-dire ?
Hannah O’Neill : Je suis toujours dans la précision du travail mais je suis un peu « plate », un peu trop perfectionniste, j’ai du mal à lâcher. J’espère que ça finira par venir…
DCH : Quels sont les rôles que vous préférez ?
Hannah O’Neill : Mon rêve c’est Giselle. Et Le Lac des cygnes. Ce sont mes ballets classiques préférés. Comme tout le monde je pense. Pour le reste, j’ai encore tout à essayer. Et de plus, ce ne sont pas toujours les ballets les plus extraordinaires à regarder qui sont les plus incroyables à danser. Pour l’instant, je n’ai pas dansé assez de rôles de soliste pour avoir un avis.
DCH : Avez-vous déjà participé à une création à l’Opéra ?
Hannah O’Neill : Non, mais pour Varna, j’ai dansé une création de Nicolas Paul. Un Pas de deux vraiment génial. J’ai adoré travailler avec lui, même si c’était vraiment complexe. C’est une très belle expérience. Du coup, je suis très heureuse d’être remplaçante sur Répliques, qu'il a créée en 2009 et qui va être donnée prochainement.
Hannah O'Neill et Jeremy-Loup Quer dans la variation de Nicolas Paul
DCH : Qui vous a aidé à préparer ce Concours ?
Hannah O’Neill : Je l’ai préparé avec Agnès Letestu. J’aime beaucoup travailler avec elle. C’est une femme très élégante, mais avec laquelle on communique très facilement. J’ai déjà répété avec pas mal de personnes et c’est une de celles que je comprends le mieux, ses corrections, ses explications sont limpides. Et j’avais aussi Laurent Novis qui est mon coach depuis le début.
DCH : Comment l’avez-vous rencontré ?
Hannah O’Neill : Dès ma première année je l’ai eu beaucoup comme professeur au cours et j’aimais bien travailler avec lui. Du coup, je lui ai demandé de me préparer pour mon premier Concours. Ça s’est très bien passé et j’ai eu envie de continuer avec lui.
DCH : Que faites-vous à Paris quand vous n’êtes pas à l’Opéra ?
Hannah O’Neill : J’aime toujours beaucoup le sport mais je n’ai pas l’occasion de pratiquer ici. Par contre, je regarde le rugby à la télévision. Et l’année dernière, je me suis précipitée juste après avoir passé le Concours de promotion pour aller voir les All Black qui passaient en France juste ce jour là. J’ai aussi été voir le match Australie/France cette année car malheureusement, les All Black ne sont pas revenus à Paris… Mais je compte bien me rendre à la Coupe du monde l’an prochain en Angleterre !
Et puis j’ai une tante qui habite Paris et qui est l’une des directrices de la FIAC, Jenifer Flay. Cela m’a donc donné l’occasion de voir beaucoup d’art contemporain avec elle et j’apprécie beaucoup. C’est quelque chose que je ne connaissais pas du tout. Je découvre des œuvres qui me touchent, d’autres que je ne comprends vraiment pas, du coup j’essaie de parler avec les gens et de trouver des connections entre l’art contemporain et la danse. Ça me change du ballet.
Et j’aime aussi beaucoup la mode. Je vais parfois voir des défilés. J’en sors avec beaucoup d’inspiration, qui n’est pas seulement liée au style du couturier, mais aussi à la façon dont les modèles prennent la lumière, les angles adoptés.
Propos recueillis par Agnès Izrine
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