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« Les Délivrés » d’Hélène Iratchet

Au gré des livraisons, une satire en danse-théâtre autour de nos mœurs consommatrices et l’envie de monter un spectacle. 

Le spectacle qui n’arrive pas, qui se prépare, qui trébuche… C’est un classique. Depuis le XXe siècle, en tout cas, et surtout côté théâtre ou clown. Pas forcément en danse. Avec Les Délivrés, c’est chose faite. Hélène Iratchet nous présente son studio de danse et ses exercices à la barre, sa « mère » de plateau et Julien, le danseur dans le rôle du livreur Uber Eats qui se met à rêver d’un autre corps, d’un autre sexe…

Il va de soi que Les Délivrés ne délivre personne – et surtout pas de quoi que ce soit – mais parle de nos espoirs de délivrance… et de livraisons ! A chaque fantasme correspond un colis, à chaque quête répond une promesse de bien-être, de re-naître (en mieux !) ou de mieux paraître. Si ce n’est de mieux manger. Quelles bananes pour avoir la frite ? Thérapie et consommation se croisent autour d’une danse qui reflète les imaginaires de plus en plus formatés par les réseaux sociaux.

Alors, comment échapper à l’appel de la danse consommable ? Une galette de riz géante est-elle la solution quand les souvenirs de spectacles de Forsythe, Cunningham et Pina Bausch se transforment en gym tonique, dans un look aérobic ? Comment dans ces conditions un spectacle peut-il voir le jour ? C’est impossible. Il n’y aura pas de spectacle – et donc pas de critique – mais juste le making of d’une idée de spectacle qui serait capable de délivrer ses protagonistes de leurs relations embourbées. 

A la fin la mère laisse un n-ième message sur le répondeur d’Hélène : « Il paraît que tu fais un spectacle avec ta mère ». Il paraît pourtant que Tamar Shelef, cette grande interprète de la danse israélienne et française, ne soit pas la mère d’Hélène Iratchet. Vous suivez ? Hélène non plus ! Peu importe, surtout aux yeux de Julien et de la mère, qui nouent une relation sensuelle. « Pour toi elle est ta-mère, pour moi elle est Ta-mar », lance le danseur-livreur à sa chorégraphe. 

Galerie photo © Raphael Ramirez-Collectif Des Flous Furieux

Livraison ne valant pas délivrance, Les Délivrés ne peut commencer qu’une fois la scène vidée d’un amassement d’accessoires de fast food, produits de beauté et autres symboles du mode de vie à haute consommation. Objet par objet, tout sort par la porte du studio pour laisser entrer la danse. Mais tout le jetable revient à la fin, comme pour empêcher le spectacle et poser à la mère toutes les questions : Une livraison accomplie vaut-elle mieux qu’une délivrance non livrée ? 

Détail remarquable, tous les petits objets de consommation se présentent sous forme agrandie, comme si nous revenions là à notre taille et notre imaginaire d’enfant. En effet, la culture du livré-en-cinq-minutes est une forme de poison pour le psychisme et entrave tout recul par rapport aux désirs et fantasmes. A trop céder à leurs sirènes, la création s’enlise. Ne peut aboutir. S’égare et se regarde le nombril alors que le répondeur retentit une dernière fois : « J’en ai marre de la messagerie ! » Message reçu. Rideau et délivrance. 

Thomas Hahn

Vu le 21 février 2023, Les Subsistances dans le cadre du Festival Sens Dessus Dessous de la Maison de la Danse de Lyon

Jusqu’au 24 février 2023

Écriture et chorégraphie : Hélène Iratchet
Scénographie et costumes : Rachel Garcia
Création lumière : Rima Ben Brahim
Création son : Cristián Sotomayor
Interprétation : Hélène Iratchet, Tamar Shelef, Julien Ferranti
Production :  Les SUBS – lieu vivant d’expériences artistiques, Lyon et l’association Richard

Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.

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