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Le « Road Movie » de Dominique Boivin à POLE-SUD

Boivin s’est encore embarqué dans un truc invraisemblable. D’un type capable de montrer les amours d’un danseur et d’une pelleteuse (l’impeccable Transport exceptionnel-2005-) on peut tout attendre, mais un solo qui devrait durer 5 heures… Enfin, pour le moment, Strasbourg, pour les 30 ans de POLE-SUD va se contenter de 2h, mais à plusieurs. Du Boivin, quoi !

Au départ, cela semble simple. Dominique Boivin propose, le 29 septembre, à POLE-SUD, CDCN de Strasbourg, un Road Movie à sa façon. « L’occasion de fêter plus de trente ans de danse et des années de complicité entre un public, un lieu et ses artistes » comme l'annonce le site de l’institution. Mais avec un zébulon hyperactif et imprévisible comme Dominique Boivin, le simple n’est jamais certain et certainement pas là où on l’attend. Car, si l’on cherche un peu, on apprend que dès décembre 2017, il avait présenté le premier épisode de Road Movie, la saison 1 d'un solo fleuve intitulé Tenues de scènes. Mais encore qu’en janvier 2019, le CNDC d’Angers avait accueilli le deuxième épisode… Alors, qu’est donc cet épisode Strasbourg qui apparait, a priori, comme la célébration des trente ans de Pôle-Sud ?… Bienvenu dans l’univers boivinesque, où rien ne ressemble à ce qui semble apparaître, mais se bricole dans l’enthousiasme avec trois trombones et une tringle à rideau pour faire théâtre !

« En fait, il faut revenir à un solo de Kazuo Ohno [Admiring La Argentina 1977, chorg. Tatsumi Hijikata], explique Dominique Boivin. Je l’avais vu une dizaine d’année après qu’il l’ait créé et j’avais été sidéré par la puissance de cette confession qui pouvait me faire pleurer. J’avais été bouleversé par ce travail et j’avais en tête cette idée du corps qui vieillit. Il y a la question de l’âge, du corps qui n’est plus capable de faire, la fameuse interrogation sur l’adieu à la scène. Je suis revenu à toutes ces images, en pensant aussi à Merce Cunningham et à sa relation au plateau. Je me suis amusé aussi de tous ces rituels, ces questions d’abandon de la scène et je me suis lancé là-dedans. J’ai écrit beaucoup de textesà ce sujet et j’ai commencé à mettre des danses. Ensuite, tout est parti d’une anecdote. Comme artiste chorégraphique, je devais présenter mon dossier devant une commission pour le conventionnement de la compagnie. C’était en 2017, et j’ai eu envie de danser mon dossier, de danser les chiffres. De dire, regardez ce corps qui vieillit. J’ai dansé tout ça et un membre de la commission [Béatrice Hanin, actuelle directrice de la Scène Nationale de Saint-Nazaire] m’a dit qu’elle me commandait les premières trente minutes de mon solo. Alors je l’ai fait. Et puis je l’ai développé sur une heure à Angers, à la demande du CNDC. Ça a très bien marché et m’a donné le désir de poursuivre. »

Avec Dominique Boivin, il ne faut pas trop poser de questions : on s’expose à la réponse. « Donc,  Road Movie, c’est le titre du premier solo. Mais quand je me suis lancé, je me suis dit que ce serait bien de faire des épisodes, des saisons ; la saison deux, c’est Tenues de scènes. Maintenant, je suis parti sur l’idée d’une saga, d’un solo qui va durer longtemps. Un genre de roman fleuve. Je voudrais un solo qui dure cinq heures. […] Road Movie, c’est un parcours d’une personne sur son existence ; Tenues de scène, c’est un sous-titre qui insiste sur la façon de se tenir en scène ». Pour le résumer encore, et en faisant référence à l’une des œuvres majeures de ce chorégraphe en définitive prolixe [le fameux La danse, une histoire à ma façon (1991), donné littéralement des centaines de fois], ce projet c’est Ma danse une histoire à ma façon…  »

Même si, pour le moment, il ne veut pas trop tourner, puisque le projet n’est pas terminé, Dominique Boivin a cependant accepté d’être programmé, d’où la proposition strasbourgeoise. Mais là encore, les choses ne sont pas si simples. Admettons que Road Movie soit le titre d’un solo démentiel de cinq heures qui va raconter l’aventure du corps de Dominique Boivin, danseur, chorégraphe et fantaisiste lunaire… 

Mais il y a plusieurs invités et, que vient faire Mark Tompkins dans cette affaire ? Daniel Larrieu, pourquoi pas : ceux deux-là s’engagèrent naguère, avec Pascale Houbin, dans En Piste (2011) autour des chansons de gestes. Mais même en cherchant bien, il n’y a pas de Mark Tompkins dans le parcours de Dominique Boivin qui procède de la filiation Nikolaïs et CNDC (c’est avec sept élèves de l’école angevine qu’en 1981, Dominique Boivin fonde le collectif Beau Geste) quand Mark Tompkins a été proche de Yano et Wolliaston… Deux aventures symptomatiques de l’époque, mais radicalement différentes. « Mais c’est très simple, explique cependant Dominique Boivin, pour les trente ans de Pôle Sud, Joëlle [Smadja] voulait faire venir des gens qui ont été importants pour la maison. Elle m’a dit de Mark qu’elle aimerait qu’il soit là. Il fait donc partie des invités du solo. Louis Ziegler [vieux copain de l’époque CNDC] a envoyé une ancienne cassette. Il y a Larrieu et Pierre Boileau, un danseur et performeur proche de PÔLE SUD avec lequel on pourrait faire un genre de music-hall pataphysique ». 

Et ainsi Dominique Boivin est le seul à pouvoir proposer un solo autobiographique avec plusieurs interprètes dont certains n’ont rien à voir avec sa vie… Au départ, cela semblait simple. A la fin on a vraiment envie de savoir comment il va faire !

Philippe Verrièle

La 29 septembre à 20h30  à POLE SUD- CDCN  Strasbourg

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