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Le Programme 2 du CCN-Ballet de Lorraine

Pour son deuxième programme de saison, Petter Jacobsson confie la soirée à deux chorégraphes invités, la franco-américaine Michèle Murray et l’australien Adam Linder. Si le directeur du Ballet nous avait habitué à des propositions bien contrastées, il ressort ici une certaine unité entre deux pièces qui se répondent et ont en commun le groupe comme sujet et corps dansant.

C’est le Ballet en entier que Michèle Murray place sur son Dancefloor. Avec une première image saisissante. Fuse dans le noir, comme une étoile filante dans la nuit, un danseur, (le jeune Gabin Schoendorf, de la cellule d’insertion professionnelle du Ballet de Lorraine) dont seul le tee-shirt blanc et les bras ouverts en seconde se détachent, insaisissable silhouette floue tant la vitesse de ses déboulés empêche le regard de faire le point. Une belle et furtive entrée en matière et dans la matière.

Le plateau s’éclaire, un lent solo aux ports de bras éloquents ouvre le bal, puis puis au fur et à mesure les vingt-cinq danseuses et danseurs entrent en piste, avec décontraction, voire une certaine nonchalance. Une danse souple, fluide jouant à la fois sur une gestuelle classique, contemporaine, et de boîte de nuit, ponctuée de poses arrêtées, déhanchés relax ou simples dégagés en première, furtivement suspendus et d’une pure perfection. Sous d’abrupts changements de lumières qui passent du chaud au froid sans crier gare et sans perturber ce monde dansant, les ensembles, que de légers décalages viennent troubler et enrichir, s’enchaînent. L’écriture se déploie, riche et variée. On se réjouit du formidable et ludique duo de filles coiffant de leurs mains leurs têtes de cornes imaginaires, du très bel adage exécuté dans un impeccable unisson ou encore des traversées en sauts de biche, un pas en voie d’extinction …

La chorégraphe utilise l’écriture instantanée. Elle construit une série de motifs, sculptant sa danse de manière intuitive en s’attachant à l’individualité de chacun. L’aléatoire fait pleinement partie des règles du jeu. Ces dernières, de temps, d’espace, et de relationnel permettent aux danseurs de s’emparer de la pièce avec une certaine liberté et de la danser de façon unique chaque soir. Tout en leur demandant une grande concentration sur l’action.

Pour la bande son, Michèle Murray évite toute redondance musicale. La création sonore de Gerome Nox enveloppe littéralement l’ensemble, public inclus. Hypnotique, avec une idée de turbine ou de mouvement perpétuel, elle impressionne par des sonorités graves, sidérales, planantes, qui nourrissent l’imagination … Libre alors au spectateur de projeter ce qu’il veut.

Après la traversée quasi cosmique offerte par Michèle Murray, bienvenue sur la planète Acid Gems d’Adam Linder.

Si le chorégraphe australien poursuit avec Acid Gems sa recherche sur l’hybridation des danses, prenant comme référence et idée de départ Jewels de Balanchine, pièce en hommage aux trois grandes écoles de la danse, il dit également souhaiter « faire un massage cardiaque au ballet ». Pari tenu. Un cyclo aux couleurs saturées allant du rose indien au bleu aquatique en passant par le vert pomme, – éclatantes lumières conçues par l’artiste berlinois Shahryar Nashat  –  des costumes très années 70-80 aux tons d’une surprenante harmonie, jaune, pourpre et vert de gris ...  Acid Gems affiche une esthétique plutôt pop. Côté danse : du peps, un vocabulaire virtuose et des ensembles bien boostés.  

Galerie photo © Laurent Philippe 

Dans une gestuelle dynamique et assez athlétique, les danseurs vont s’ébrouer et se déployer, généralement à l’unisson,  sous le regard de « watchers » – quatre personnages ainsi nommés par le chorégraphe – juchés sur de hautes chaises d’arbitres ou  postes de surveillance. Simples observateurs ? Gardiens ? Maitres de cérémonie ? Leur rôle reste assez énigmatique – un flou voulu par le chorégraphe – d’autant plus qu’ils occultent parfois leur visage de tissus.
 

Passant du groupe formant un corps unique et organique, amas compact et ramassé aux lignes épurées et figures géométriques, entrelacs, rondes joyeuses et ribambelles rythmiques, les quatorze interprètes  insufflent une bonne dose d’énergie teintée d’humour. L’ espace est parfaitement dessiné et exploré dans toutes ses possibilités et l’ écriture précise laisse parfois place à quelques ralentis où les danseurs s’échappent de l’ensemble un par un … pour mieux y revenir. Et cette danse qui met le groupe au cœur du sujet, porte et entraîne, rythmée par une musique pulsatile signée Billy Bultheel qui vibre comme un cœur qui bat.

Avec ce programme de choix et une troupe au sommet, le Ballet de Lorraine montre une nouvelle fois son excellence et emporte l’adhésion du public. 

Marjolaine Zurfluh

Vu le 1er avril 2023 à l’Opéra de Nancy

Programme 3 du Ballet de Lorraine  : Y’en aura pour tout le monde
25 mai au 2 juin 2023 à l'Opéra de Nancy

Temps fort articulé en 3 soirées proposant des pièces du répertoire du CCN - Ballet de Lorraine et permettant aux interprètes nancéens de partager le plateau avec des compagnies invitées.
 

Tournées du Ballet de Lorraine - 2023

Vendredi 21 et samedi 22 avril : New York (Etats-Unis) - NYU Skirball Center for the Performing Arts
For Four Walls- Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley
Cela nous concerne tous (This concerns all of us) - Chorégraphie : Miguel Gutierrez

Jeudi 4 mai : Valenciennes - Le Phénix Scène nationale
Static Shot - Chorégraphie : Maud Le Pladec
Decay - Chorégraphie : Tatiana Julien
For Four Walls - Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley

Lundi 22 mai : Paris - Musée de l’Orangerie - Danse dans les Nymphéas
Twelve Ton Rose - Chorégraphie : Trisha Brown
Access to pleasure - Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley

Mercredi 28 juin : Paris - Le Carreau du Temple
Discofoot - Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley

Samedi 1er juillet : Nantes - Cours Franklin Roosevelt - Nuit du Voyage à Nantes
Discofoot - Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley

Lundi 10 et mardi 11 juillet : Paris - Musée du Louvre - Festival Paris l’été
Static Shot - Chorégraphie : Maud Le Pladec

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