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« Le Messie », Mauricio Wainrot, ballet de l’Opéra de Bordeaux

Œuvre phare du chorégraphe argentin Mauricio Wainrot, au répertoire de plusieurs compagnies, Le Messie, sur la partition éponyme de Haendel est depuis 2005 l’un des best of du Ballet de l’Opéra de Bordeaux. Sa reprise, pour cette fin de saison 2015-2016, coïncidait avec un moment particulier : le départ du danseur étoile Igor Yebra, qui faisait ses adieux lors de la dernière représentation le 1er juillet.

Ce « prince », comme l’a qualifié Thierry Fouquet, l’ancien directeur de l’Opéra de Bordeaux venu saluer son départ, a au cours de sa carrière internationale puis bordelaise dansé tous les grands rôles du répertoire, d’Albrecht à Siegfried en passant par Basile. Il s’est aussi illustré dans les œuvres de Balanchine, Lifar, Forsythe, Kylian, ou justement Wainrot. Ce soir-là, il brillait dans l’un des rôles de solistes de ce Messie exigeant, aux portés audacieux, notamment dans le très beau pas de deux "Then shall the eyes of the blind" qu’il a dansé avec sa compagne l’étoile Oksana Kucheruk. On aura aussi, tout au long de cet oratorio musical et chorégraphique, admiré les qualités techniques et stylistiques de Roman Mikhalev, étoile, et d’Oleg Rogachev, premier danseur, et la bonne tenue d’ensemble d’une troupe qui continue de défendre ardemment l’esthétique d’un ballet de formation classique.

Il faut dire que la chorégraphie de Wainrot, créée en 1997 pour le Ballet Royal des Flandres et reprise deux ans plus tard dans une version rallongée par le Ballet national du Chili, permettait à la compagnie de faire largement montre de ses talents. Avec pour seul décor un jeu de lumières aux infinies nuances pastel et en fond de scène, une série de bancs sur lesquels s’assoient par instants les danseurs, son Messie laisse la part belle aux interprètes. Ces derniers, vêtus de tenues blanches immaculées, se succèdent dans une alternance de duos, ensembles, trios, quatuors etc., sur les trente-et-un extraits de la partition retenus pour le ballet.

Portés par des musiciens à l’unisson, dans la fosse l’Orchestre national et le très beau chœur de Bordeaux Aquitaine, et dans les loges d’avant-scène les solistes de la Royal Academy of Music - citons surtout le ténor Oliver Johnston -, ils incarnent à la fois la haute spiritualité et le sentiment de joie pure qui traversent la partition. On songe à Neumeier, qui lui aussi s’empara du chef-d’œuvre de Haendel, mais également à la modern dance américaine dont Wainrot eut la révélation à vingt ans, peu de temps après avoir commencé ses études de danse classique.

Une impression d’harmonie fluide et d’abstraction sensible se dégage de cette écriture toute d’équilibre, qui illustre à merveille la séduction de la danse dite néoclassique. On peut regretter parfois une légère surenchère du geste, ou quelques ensembles masculins un peu trop démonstratifs, mais ce sont là broutilles par rapport au plaisir que procure une soirée couronnée par le célèbre Allelujah final. Et l’on remercie Wainrot et ses interprètes d’avoir su, sans rien lui ôter de sa dimension métaphysique, faire de cette œuvre sacrée une pure célébration de la danse.
 

Isabelle Calabre  
Grand Théâtre, Bordeaux
 

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