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« Le Lac des Cygnes », Ballet de l’Opéra de Paris

Une étoile est née

Ah, Héloïse !... La ballerine Sujet du Ballet de l’Opéra de Paris, prix Carpeaux 2010 et Arop 2011, a littéralement illuminé la reprise du Lac des Cygnes version Noureev. Ayant choisi de venir la voir dans en fin de série, on a assisté une prestation d’autant plus mémorable que, aux trois dates initialement prévues, s’étaient entre temps ajoutées plusieurs autres représentations pour cause de remplacement au pied levé. Solidement préparée et désormais bien rodée, Héloïse Bourdon a donc pu offrir ce vendredi 27 mars, au public de l’Opéra Bastille retenant son souffle - rarement on aura entendu aussi belle qualité de silence ! - une interprétation quasi sans faute du rôle périlleux d’Odette/ Odile.

Galerie photo : Anne Ray/ Opéra national de Paris

Dès son entrée lors de l’acte blanc, ce fut littéralement comme si l’on redécouvrait soudain chaque seconde d’une chorégraphie pourtant vue et revue. Intense, investie jusque dans sa touchante fragilité, la danseuse rendait au passage à la pantomime ses lettres de noblesse, donnant à lire dans le moindre geste et la plus infime mimique l’infortuné destin du cygne blanc. Solide dans ses équilibres, frémissante dans son jeu de jambes, souveraine dans son port de tête et de bras, elle était tour à tour craintive, troublée, séduite et effrayée par le retour du sorcier Rothbart. Elle ne se contentait pas d’incarner - magnifiquement - la blanche Odette, elle racontait à chaque spectateur une histoire captivante. Face à elle, Josua Hoffalt, quoique techniquement impeccable, semblait émotionnellement plus en retrait ce qui, du reste, correspondait peu ou prou au Prince ‘entre deux eaux’ conçu par Noureev.

Galerie photo : Anne Ray/ Opéra national de Paris avec Héloïse Bourdon et Josua Hoffalt en solistes.

Si le troisième acte d’Héloïse était très légèrement en deçà de la perfection de son acte blanc, c’est sans doute que par jeunesse ou par tempérament, la jeune femme manquait encore de la méchanceté perverse d’Odile. Plus ensorcelante que réellement maléfique, son cygne noir savait toutefois, juste avant le baisser de rideau, clouer le malheureux prince d’un ultime rictus moqueur. Leur adage du 4e acte, très applaudi, était une véritable leçon de style. Dans le dédain de la prouesse, mais surtout dans la musicalité, l’élégance et la capacité à toucher au cœur d’un ultime battement de doigts. On ne saurait oublier de saluer aussi la justesse de Florimond Lorieux qui remplaçait - sans être mentionné sur la feuille de salle ! - Karl Paquette dans le rôle du précepteur Rothbart. Sans doute ce jeune sujet, jusqu’ici peu exposé, n’avait-il pas toute l’autorité ambiguë du personnage, mais sa danse ciselée et sa séduction naturelle étaient fort belles à voir. À l’issue de la représentation, on sortait ce soir-là convaincue que, même sans avoir vu quelques jours plus tôt danser Laura Hecquet, on avait, grâce à Héloïse Bourdon, assisté à la naissance d’une étoile.
 
Isabelle Calabre.
Le 27 mars 2015 - Opéra Bastille

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