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« Le dur désir de durer » des Dromesko

Le mois dernier dans l’enceinte verdoyante du Monfort, les Dromesko, Igor, Lily (couple fondateur) et la « famille » ont dressé leur baraque, une accueillante bâtisse entre isba, chalet suisse et maison de pionniers. Pionniers ils ne le sont plus, il paraîtrait même qu’ils jouent ici leurs dernières représentations – tout du moins sous le nom des Dromesko et en région parisienne, mais ils l’ont assurément été – Igor avait déjà cofondé le fameux Cirque Aligre en 1977 puis Zingaro en 1982 - quand en 1990 ils érigèrent leur incroyable volière abritant volatiles à plumes et autres oiseaux rares du cirque à venir.  

Dans le même dispositif scénique – bi-frontal, plancher rectiligne encadré de rideaux  à franges faisant office de pendrillons - que pour Le Jour du grand jour (lire notre critique), Le dur désir de durer (Après-demain, demain sera hier) volet 2 du précité, convie le public à un déroulement continu, toujours de jardin à cour, laissant entrevoir des bribes de vies, des fragments d’histoires. 

Reprenons où nous en étions restés à la fin du Grand jour, qui finissait en noce et banquet ...

Après une procession surprenante et cadencée par une musique de film de mafia où une rutilante madone portée par un chariot à seize pieds se fait lâchement larguer par ces derniers possédés d’une irrépressible gigue charivarique, un trio d’allure juvénile s’avance. Les filles s’étreignent, se collent, s’entrelacent et semblent faire les premiers pas, timides et hésitants.

Défilent les scènes, rapides, lentes ou arrêtées, un lit d’hôpital traverse l’espace de manière récurrente, un violoncelliste déambule, poussé dans un fauteuil extravagant, Igor et Lily tentent un ultime adieu à la scène, des mains surgies des rideaux, faisant penser aux bras candélabres de La Belle et la Bête de Cocteau, entament un « palmas ».  

Le fil se déroule jusqu’à ce que tous soient balayés par une tempête dévastatrice, où seul un homme , Florent Hamon, formidable danseur et acrobate qu’on a aussi pu apprécier comme auteur d’un duo avec Boris Gibé  (lire notre critique) lutte et résiste à grand renfort de torsions fluides et nerveuses, de tours et de chutes d’une vélocité spectaculaire, contre le flux incessant des éléments. 

La mort est elle aussi présente, sous la forme d’un toréro muni d’une fourche, un peu geignard, dépassé par son ombre, indépendante, rebelle et bien plus agile… Enfin  le tableau de famille ne serait pas complet sans Clara la truie et l’apparition attendue et toujours émouvante du marabout Charles, 32 ans et vraie bête de scène, dans un tendre duo avec Lily qui suspend le temps un (trop) bref instant. 

Les Dromesko possèdent un imaginaire et une signature uniques. Ils manient avec aisance la métaphore grâce à des images poétiques, loufoques et surréalistes, parfois au charme suranné. Ils évoquent la mort avec l’humour noir et joyeusement grinçant qui leur est propre, jouent des symboles et hachent menu les poncifs. 

On attendra parfois que quelque chose prenne corps car rien ne semble se construire, et surtout pas un début, un développement et un final. Mais c’est ici comme la vie, non écrite elle s’écoule entre douceurs et tourments, anecdotes et grands évènements.. Et il y a d’inévitables disparitions, fins et adieux.

Mais ce soir-là, point de fin il n’ y aura et ce, même si Le Dur désir de durer nous emmène au seuil de la perte sous tous ses aspects, la joie de vivre enracinée des Dromesko l’emportera, et comme au Jour du grand jour, on trinquera, mais cette fois à la résurgence et au plaisir d’être là, ensemble et bien vivant ! 

Marjolaine Zurfluh

Vu au Théâtre Monfort le 2 juin 2022

Conception, mise en scène et scénographie : Igor & Lily
Textes : Guillaume Durieux
Jeu / danse : Lily, Igor, Guillaume Durieux, Violeta Todό-González, Florent Hamon, Zina Gonin-Lavina, Revaz Matchabeli, Manuel Perraudin, Jeanne Vallauri.
Interprétation musicale : Revaz Matchabeli (violoncelle), Lily (chant), Igor (accordéon)
Construction décor : Philippe Cottais
Costumes : Cissou Winling
Lumière : Fanny Gonin
Son : Philippe Tivillier
Accessoires : Anne Leray
Régie plateau : Manuel Perraudin
Visuel et Conception graphique : Lily / Photographie : Fanny Gonin
Administration : Anne-Lise Kieffer
Production / Diffusion : Florence Bourgeon

 

 

 

 

 

 

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