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« La Fuite » de Lionel Bègue

Fin mars, nous avons eu le plaisir de découvrir, à mi-chemin de sa création, le solo de Lionel Bègue intitulé La Fuite. Telle quelle, la variation de 25 minutes environ nous a paru satisfaisante : cohérente, rythmée, équilibrée. L’événement est d’autant plus remarquable qu’il permet au danseur de faire son entrée dans la cour des choré-auteurs et de rejoindre ainsi, pour prendre un exemple, quelqu’un comme Sylvain Groud, l’actuel directeur du Ballet du nord, avec lequel il a eu l’occasion de collaborer à plusieurs reprises comme interprète.

Le point de départ de la pièce que Lionel Bègue donnera dans sa durée intégrale et en primeur en novembre prochain au Neuf Neuf Festival de Toulouse est la légende tragique d’Actéon, prince chasseur transformé en cerf via le sortilège funeste de Diane, laquelle sanctionnait de la sorte les voyeurs. Le lent passage à l’animalité, la traque et l’agonie de l’homme rétrogradé à l’état de proie convoitée par les chasseurs et leurs clebs sont suggérés par les seuls moyens de la danse – en l’occurrence, le legs de Terpsichore n’emprunte que peu à l’art antique de la pantomime, misant sur ses propres forces.

Dès lors, diverses modalités s’offrent au soliste pour traiter du thème qu’il s’est lui-même imposé. L’évocation du mythe est réalisée par petites touches, à l’aide de boucles gestuelles qui finissent par prendre sens en se cristallisant dans notre esprit et, par là même, puissance expressive. Après une ouverture en fondu, du noir à la pénombre ou à une clarté relative, on découvre le danseur vêtu d’une chemisette à motifs végétaux et d’un pantalon couleur peau de chamois évoluant pies nus, marchant à pas comptés.

De fausses hésitations, préméditées, dessinées, calculées – peut-on penser – inscrivent des temps d’arrêt dans la déambulation. Il arrive que le mouvement se gèle, que la gesticulation s’anime suivant le tempo donné par les pales d’un ventilateur faisant office de métronome. Le tic et le toc visuel accompagne le tic-tac audio. Le jeune gens porte à de nombreuses reprises la main droite derrière la nuque comme pour évaluer la grièveté d’une blessure. Les doigts des deux mains levés au-dessus du crâne symbolisent les bois de cervidés. Un bras tendu vers l’avant et le coude plié de l’autre figurent l’arme la plus vieille de l’« art » de la vénerie. Ces signes, ces indices, ces accents sont portés avec délicatesse. La musique symphonique arrive au moment juste. Rien de moins que La Nuit transfigurée d’Arnold Schoenberg.

Nicolas Villodre

Vu le 29 mars 2019 à l’Avant-scène du Bateau feu de Dunkerque.

Informations :

- le 11 novembre 2018 : Présentation publique à La Plateforme / Cie Samuel Mathieu

- Création au Neuf Neuf festival en novembre 2019 : La Plateforme / Cie Samuel Mathieu

- le 20 novembre 2019 : TÉAT RÉUNION - Théâtres départementaux de La Réunion

- les 6,7 et 8 février 2020 : Le Bateau Feu - Scène nationale Dunkerque

- Dates en cours de définition : La Scène du Louvre Lens, Le Ballet du Nord CCN, Le théâtre élisabethain d’Hardelot.

 

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