La création de StudioD': entretien avec Anne Sauvage
Il fallait l’inventer, voilà qui est fait ! Anne Sauvage et L’Atelier de Paris / CDCN ont lancé StudioD’ : un site qui permet aux compagnies de réserver un studio en 2 clics ! StudioD’ est une plateforme numérique de mise en relation simple et rapide, entre des compagnies chorégraphiques professionnelles ayant besoin d’espaces pour leur travail de création, de recherche ou de répétition, et des lieux contributeurs. Nous avons interrogé Anne Sauvage sur ce nouvel outil qui facilite la vie des compagnies.
DCH : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer Studio D’ ?
Anne Sauvage : L’urgence de la situation et les circonstances. Dès le début du confinement, j’ai été très inquiète de la façon dont les artistes allaient pouvoir réintégrer les lieux de travail sachant que nous n’avions pas de perspectives au niveau du calendrier et que nombre de créations allaient être annulées, les productions reportées. Ce qui, hélas, se vérifie actuellement. Les conditions de reprise imposent un rythme radicalement différent de celui d’avant, et il est vrai que les lieux réouvrent progressivement, sur des plages horaires réduites : soit que le lieu n’ait pas la capacité à accueillir deux compagnies le même jour en fonction du ménage et de la désinfection, soit que les compagnies travaillent en demi-groupe pour respecter les contraintes sanitaires. Du coup, il existe un engorgement, aggravé par les conditions sanitaires.
DCH : L’engorgement existait déjà en Ile de France, me semble-t-il…
Anne Sauvage : C’est exact. Et même si la période COVID-19 a accéléré la création de cet outil, l’idée était préexistante. Elle est liée à une expérience de terrain de quinze années, qui me ramène aux débuts de l’Atelier de Paris, où l’on n’avait qu’un seul studio. À mon arrivée, j’ai arpenté tout le XIIe arrondissement de Paris pour rencontrer des partenaires et leur demander de mettre à disposition des créneaux horaires où ils n’utilisaient pas leur studio au profit des compagnies de danse que nous soutenions en résidence. Donc une histoire s’est tissée avec le Centre Paris Anim’ Montgallet Pina Bausch et le Conservatoire du XIIe arrondissement. À la suite à cette expérience, je me suis interrogée sur comment développer ces partenariats, déjà à l’échelle parisienne et francilienne, car on sait qu’à Paris et en Ile de France, il a toujours existé une tension importante pour l’accès des compagnies à des studios de danse. Et j’ai pensé qu’un outil numérique avec une plate-forme de réservation serait l’outil d’aujourd’hui pour gérer cette démultiplication de la demande. Nous étions donc en train de travailler sur ce projet, quand, quelques jours après le confinement, je me suis dit qu’il fallait le mettre en place tout de suite. J’ai réuni une petite cellule à l’intérieur de l’équipe de l’Atelier de Paris, et nous avons rencontré webmaster et développeurs. Au moment même où nous annulions le festival et les 20 ans de l’Atelier de Paris, nous faisions un mouvement inverse de création.
DCH : Cette idée vient-elle, selon vous, renforcer les missions qui sont celles d’un CDCN ?
Anne Sauvage : Selon moi, la création de cet outil, est un projet dans le prolongement des missions d’un CDCN, qui sont notamment d’accompagner les compagnies et améliorer les conditions de travail des danseurs, et représentent pour moi un enjeu majeur. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’association des CDCN comme des CCN ont décidé de soutenir la création de cette plate-forme, non seulement financièrement, mais également en mettant leurs studios à disposition.
DCH : Comment l’avez-vous mis concrètement en place ?
Anne Sauvage : Nous avons lancé un appel à contribution, il y a quelques jours, et nous avons à la fois des lieux du réseau dit spécialisé, comme les CDCN, les CCN, les Scènes conventionnées danse (TLA de Tremblaye, Etoile du Nord…) Micadanses, mais aussi Chaillot Théâtre national de la Danse qui est en train de référencer leurs trois studios, et des lieux pluridisciplinaires, soit qu’ils aient un intérêt marqué pour la danse dans leur projet, comme Point Commun qui est la nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, le Carreau du Temple… Mais même le Théâtre du Châtelet a référencé ses deux studios… Je suis heureuse de voir que ça ne mobilise pas que les structures consacrées à la danse. Et j’espère que ça va continuer, puisqu’en 24h, 24 lieux se sont inscrits, ce qui fait 35 salles référencées. Puisqu’il y a plusieurs studios dans certains d’entre eux, et nous avons déjà reçu soixante et une demandes.
DCH : Quels sont les types de studios référencés ? Sont-ils uniquement dévolus à la danse ?
Anne Sauvage : Une entrée permet de référencer si le studio a un plancher de danse, un tapis de danse ou pas. L’enjeu est que chaque lieu disposant d’un studio de danse ou d’autres espaces disponibles puissent s’inscrire. Car les compagnies ont aussi besoin, parfois, d’un travail à la table.
DCH : L’accès est-il gratuit pour les compagnies ?
Anne Sauvage : L’accès est entièrement gratuit. Le Ministère de la culture, la DRAC, la Ville de Paris, et les réseaux qui nous ont soutenu, nous ont aidé à créer l’outil et nous permet de faire fonctionner la plate-forme pendant un an gratuitement. L’idée est de continuer à améliorer ses fonctionnalités. Donc normalement, il va devenir possible d’effectuer une recherche par lieux, ou, si la compagnie est mobile, par date, sur la France entière. Des lieux mettent également à disposition le plateau avec du personnel technique.
DCH : Comment ça marche ? On reserve son créneau comme dans Doctolib ?
Anne Sauvage : On choisit la taille du studio, la date, la hauteur sous plafond, etc,… et même l’hébergement puisque certains lieux en proposent. Cela envoie automatiquement un mail à la personne qui s’en occupe dans le lieu en question, et la personne contact répond, mais le lieu est indépendant dans ses choix. Certains vont opérer une sélection sur l’artistique, d’autres à l’inverse vont prendre les premières compagnies qui font des demandes. La plate-forme sert à mettre en relation rapidement et efficacement, les compagnies en recherche de studio et les lieux qui ont des disponibilités. La difficulté qui préexistait, étant que les compagnies envoyaient des mails à tous le lieux possibles. Donc c’est un gain de temps et de disponibilités. Grâce à la plate-forme, on sait où l’on peut répéter mercredi prochain entre 14 et 18h à Paris, par exemple.
DCH : De plus, les compagnies ignoraient certains lieux, sans doute…
Anne Sauvage : Un autre enjeu de la plate-forme est de faire découvrir des lieux qui ont des studios de danse mais que les compagnies ne connaissent pas, par exemple, les centres d’animations, certains gymnases, et peut-être même certains studios privés. Et de l’autre côté, c’est-à-dire les structures, nous allons pouvoir découvrir des compagnies que nous n’avions jamais rencontrées. Nous avons déjà accepté des compagnies que nous ne connaissions pas. L’un des enjeux à long terme est peut-être aussi de créer de nouvelles rencontres et de nouveaux partenariats. A tout moment on peut rejoindre la communauté StudioD’. C’est-à-dire qu’un lieu qui n’a peut-être pas de disponibiité aujourd’hui, mais dans plusieurs mois, pourra verser les créneaux disponibles sur le site. L’idée est de favoriser les circuits courts comme dans l’économie responsable et solidaire. Et surtout de créer un réflexe chez les partenaires. Se dire, tiens une compagnie annule, en dix minutes j’ouvre StudioD’ j’indique une nouvelle disponibilité et ça profite à une compagnie qui a besoin de répéter même quelques heures pour une reprise de rôle, une mise au point ou autre.
DCH : Les compagnies doivent donc se connecter régulièrement pour trouver un studio disponible ?
Anne Sauvage : La prochaine étape sera de pouvoir créer des alertes. Nous avons sorti un outil pour le déconfinement et la reprise du travail en studio, je l’espère. Le but étant de l’améliorer dans les prochains mois.
DCH : Pouvez-vous également nous parler de June Events, dont c’était, en ce mois de juin, le vingtième anniversaire ?
Anne Sauvage : On a dû annuler. C’était une édition très spéciale, des 20 ans, avec la moitié des compagnies venant de l’étranger. Donc c’était impossible avec un festival ouvrant le 2 juin. Nous avons imaginé le report intégral de June Events en trois temps. Un premier à la rentrée, du 8 au 12 septembre. Nous aurons également des spectacles dans notre saison au CDCN et les compagnies étrangères extra-européennes se retrouveront dans la prochaine édition en juin 21.
DCH : Où se tiendra le temps fort de septembre ?
Anne Sauvage : Le temps fort de septembre aura lieu à l’Atelier de Paris, au Théâtre de l’Aquarium, qui a accepté de reporter son accueil de juin à septembre exceptionnellement, et nous serons à La Conciergerie en partenariat avec les Monuments nationaux. Je ne peux en dire plus sur la programmation pour l’instant car elle n’est pas totalement bouclée. Car avec les résidences annulées, il faut dégager du temps de travail pour les compagnies et des moments de résidences techniques, ça demande de l’afffinage pour être sûrs que les compagnies prévues tiennent leur création. J’ai souhaité, si tout se passe bien, rester dans l’esprit de June Events, c’est à dire une mosaïque de compagnies franciliennes, françaises et internationales avec un axe important entre l’Ile de France et la Belgique.
Propos recueillis par Agnès Izrine
Les lieux contributeurs au lancement de la plateforme
Ballet du Nord - Centre chorégraphique national de Roubaix - Hauts-de-France
Le Carreau du Temple - Établissement culturel et sportif de la Ville de Paris
Centre chorégraphique national de Nantes
Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne
Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape
Centre d’animation Paris Anim’ Pina Bausch Montgallet
Centre national de danse contemporaine Angers
Chaillot - Théâtre national de la Danse
L'étoile du nord - Scène conventionnée d’intérêt national art et création pour la danse (Paris Réseau
Danse)
Les Hivernales - CDCN d'Avignon
La Manufacture - CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux - La Rochelle
Micadanses (Paris Réseau Danse)
Le Pacifique - CDCN Grenoble - Auvergne Rhône-Alpes
La Place de la Danse - CDCN Toulouse/Occitanie
Points communs - Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise/Val d'Oise
Le Regard du Cygne (Paris Réseau Danse)
Théâtre du Châtelet
Viadanse - Centre chorégraphique national de Bourgogne - Franche-Comté
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Avec le soutien du Centre national de la danse
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