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« A l'ouest » d'Olivia Grandville

Une danse de cinq femmes, très joliment réglée, même sans qu'on capte ses liens avec ses intentions politiques annoncées.

Il y a quelque chose de remarquable dans le travail chorégraphique d'Olivia Grandville, qui réside dans la grande diversité des formes qu'elle élabore de pièce en pièce. C'est ainsi que sa dernière, A l'ouest, pourrait être rangée du côté de la belle danse. Une très belle danse. Au risque qu'on la soupçonne de dériver dans la jolie danse.

Quatre autres interprètes féminines rejoignent la chorégraphe, elle-même sur le plateau. Sans qu'aucune ne démérite, relevons d'emblée à quel point notre regard a souvent été capté particulièrement par les qualités de Tatiana Julien parmi elles. Son geste semble un précipité de l'esprit qui anime le tout. Soit une conjugaison, doucement enivrante, entre d'une part une acuité extrême du trait, et d'autre part un transport de corps légèrement brumeux. Une émulsion d'état d'âme et de corps rend le mouvement translucide.

Souvent, les pas sont très serrés, petits et sautés, sur des pieds très plats, et des ondulations de jambes jointes. C'est cela qui procure la sensation d'une inscription scripturale très inscrite, franche et nette. Mais alors s'en trouve libérée, dans le haut du corps, une variabilité légère, transportée dans la suspension, avec toute une vapeur de bras libérés en litanies. La rigueur assurée serait néanmoins tamisée dans un lâché, glissé et enlevé.

Galerie photo © Marc Domage et Stanislav Dobák

Cela se combine par boucles et volutes. Pareilles figures animent aussi les rapprochements et éloignements entre les cinq pôles tournoyant de la chorégraphie, dans un dessin de circulations finement tendues. Un rien d'austérité, nimbée de nuances vif-argent, laisse songer à quelque célébration partagée. Il est également loisible de songer à la veine, actuellement très prospère, des grands gestes rythmiques contemporains puisant aux sources folkloriques.

De vagues images d'eaux tumultueuses et panoramiques enneigés, à quoi s'ajoutent sur scène un genre d'igloo tech un peu ridicule et quelques tas de glace assez merdiques, conduisent à penser que cela pourrait venir du nord ; du Grand nord. La feuille de salle vient alors à la rescousse pour nous dire qu'en effet, la chorégraphe s'est préoccupée, très fort, du combat des populations amérindiennes autochtones, pour affirmer une culture toujours vivante malgré le génocide.

C'est une pulsation fondamentale qu'il s'agirait de retrouver sur le plateau, très bellement rendue, mais au risque d'y finir plutôt jolie, tant le lien exposé paraît arbitraire et fragile, en définitive, entre ce qui se vit dans ces territoires lointains et ce que des artistes d'ici et d'aujourd'hui viennent inventer et jouer sur scène. Il est un moment où le parti pris d'un artiste en nom propre, ne suffit pas à rendre compte de complexités historiques et politiques, dont la distance porte, en elles-mêmes, le risque d'un exotisme. Voire d'une protection ?

Gérard MAYEN

Spectacle vu le mardi 16 avril 2019 au Théâtre de la Vignette à Montpellier, en partenariat avec le cycle de programmation Par/ICI, du CCN de la ville.

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