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« Kobéndé – Eau trouble » de Florent Nikiéma

Premier solo d'un jeune artiste burkinabé parvenu à une belle maturité en ouverture du festival Instances de Chalon-sur-Saône.

Mickaël Jackson mène à tout. Florent Nikiéma, aujourd'hui âgé de 36 ans, n'a aucune gêne à expliquer publiquement que c'est son admiration de gamin grandi dans la rue pour la mirifique star mondiale, qui l'aura mis sur les rails d'une carrière dans la danse. Pour notre culture générale, il indique aussi que cette même star fut, sûrement, en son temps, le danseur le plus adulé sur la planète entière.

En complément, on relève dans la biogarphie de cet artiste burkinabé, qu'il désigne son propre style de danse comme de l'afro-funky-jazz. Avec ces éléments réunis, on s'attend sur scène à un style très juvénile, peut-être un peu superficiel, tirant vers l'entertainment. Mais la suprise nous guette. Foin de malentendus dans l'échange interculturel, foin de catégorisations vaines, et foin d'a priori et réserves de principes : la danse de Florent Nikiéma est d'une profonde intensité.

Par la diversité de ses motifs, son entrain à passer au sol comme à se déployer en niveaux multiples et directions non moins diverses, on veut bien entendre que cette danse s'est nourrie d'un brassage d'influences elles aussi multiples et diverses. A part quoi, elle s'est tout de même forgée dans le creuset de la scène chorégraphique contemporaine de Ouagadougou (la capitale du Burkina Faso),  particulièrement féconde. Et elle s'est aiguisée dans les cursus de formation des écoles d'Irène Tassembedo (celle-ci tout particulièrement), Germaine Acogny, Salia ni Seydou.

Par tous ces aspects, la danse de Florent Nikiéma paraît avoir transcendé ses origines de rue, pour s'offrir aujourd'hui avec une très belle maturité. On n'est pas sûr d'avoir tout décelé de ce que Florent Nikiéma entend traduire par ses gestes, et dont son titre suggère qu'on n'y trouverait pas que des histoires drôles. Mais si son intention est nettement auto-biographique – comme tant et tant de solos, par essence – il l'a portée jusqu'à ce point où une qualité, une intensité de présence, disent toute une attitude dans le monde, pourquoi pas une philosophie, non un chapelet d'anecdotes.

Evoquons donc cette présence. Florent Nikiéma a un corps plein, voire un peu massif. Il n'est pas exactement conforme au modèle racé et luisant du "magnifique danseur africain" qui continue d'encombrer le regard post-colonial. Ce corps, ce poids de vie, il le balance avec entièreté, qui fait masse dans l'espace. Serait-on en train d'évoquer un genre de danse plutôt balèze, voire mastoc ? C'est tout l'inverse. Dans le même mouvement, les coordinations et terminaisons des gestes de Florent Nikiéma, toutes félines, montrent des qualités presque précieuses.

Une tension s'entretient entre ces deux niveaux de sa personnalité corporelle. D'où la sensation qu'on éprouve, d'effectuer, en cet artiste, une rencontre qui n'a surtout rien d'anodin. Attendons les prochains développements. Accessoirement, notons que les amis français de l'école d'Irène Tassembedo tirent la sonnette d'alarme quant à sa survie financière. Le contact de leur association dans l'Hexagone, le Relais d'Edit (Ecole de danse Irène Tassembedo), est celui de son trésorier : chmarquis@free.fr

Gérard Mayen

Le 16 novembre 2017 en ouverture du festival Instances (Espace des arts hors les murs) à Chalon-sur-Saône

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