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« Kirina » de Serge Aimé Coulibaly

Au Festival de Marseille, un opéra chorégraphique mandingue met la marche à l’honneur, sur des airs sublimes signés Rokia Traoré.

Une épopée, une pièce en marche, des chants mandingues dans des paysages mythiques: Le récit fondateur de la bataille de Kirina réuni, huit siècles après les événements, le chorégraphe Serge Aimé Coulibaly et l’écrivain philosophe sénégalais Felwine Sarr. Ensemble ils ont travaillé avec autour de l’épopée fondatrice du royaume mandingue, au XIIIe siècle. « Mais nous faisons finalement une pièce sur le monde actuel », insiste Coulibaly.

C’est d’autant plus vrai que le plateau était occupé, outre les neuf danseurs de la compagnie Faso Dance et les six musiciens et chanteuses sous la direction de Rokia Traoré, par une quarantaine d’amateurs marseillais. Et on ne transforme pas aussi simplement des citoyens d’aujourd’hui en Malinkés d’il y a huit siècles.

Galerie photo © Philippe Magoni

Quand la marche fait rage

Qui marche ? Où marchent-ils ? Quand les batailles font rage, les peuples se mettent à marcher. Sur le plateau, ils marchent en cercle, comme toute personne perdue dans le désert. Ils traversent le plateau, d’est en ouest, d’ouest en est, tels des migrants épuisés. Et ils se marchent sur les pieds, le plateau de la Friche Belle de Mai étant bien trop serré pour offrir un espace chorégraphique suffisant à un véritable chœur d’opéra, ici décliné en chœur gestuel.

Kirina fait le lien entre la mémoire collective en Afrique de l’Ouest et la quête actuelle d’un avenir consolateur. Entre un peuple qui marche et l’histoire en marche, entre Sundjata Keita, le fondateur du Mali et Moïse. Ces liens se font par  la musique, le désert et le corps. L’univers musical de Rokia Traoré, incarné par quatre musiciens et deux chanteuses, fait résonner les paysages mythiques jusque dans nos villes. Cependant, Kirina ne ressemble pas à un concert chorégraphique. L’amplitude est celle d’un opéra dansé.

Solos de choc

Serge Aimé Coulibaly envoie les solistes de sa compagnie Faso Danse dans des combats qui se veulent symboliques ou métaphoriques mais auraient besoin d’une caisse de résonance plus visionnaire. Heureusement, les solos de Sayouba Sigué en guerrier et seigneur de la mort, sont à couper le souffle. Ce danseur « étoile de Ouaga », ici également assistant à la chorégraphie, travaille avec Coulibaly depuis douze ans.  Aujourd’hui Lyonnais, il dirigera un groupe du Défilé de la Biennale de la Danse 2018.

C’est justement le travail sur la marche avec les amateurs qui se révèle être le talon d’Achille de Kirina. Face à deux  ensembles virtuoses, l’un chorégraphique, l’autre musical, l’écriture scénique et gestuelle pour un groupe d’amateurs doit faire preuve d’économie et de simplicité. Mais dans cette première mouture de Kirina, l’espace - qu’il soit scénique, chorégraphique ou mental - est encombré, sauf dans quelques rares éclaircies. L’alchimie des présences et des énergies permet alors à la danse et aux solistes de transmettre une idée de la grandeur des enjeux. Car on n’évoque pas un mythe fondateur sans lui permettre de respirer.

« La marche reprend. Loin de Kirina. Aux corps elle cède la parole. Elle part de Ceuta et Melilla, d’Agadès… » écrit Felwine Sarr.  La migration de Kirina sur les terres des festivals européens ne fait que commencer. Nouvelles villes, nouvelles scènes, nouveaux groupes d’amateurs. Kirina. A revoir. Et à réécouter.

Thomas Hahn

Vu le 29 juin 2018, à la Friche Belle de Mai, dans le cadre du Festival de Marseille

En tournée française 2018 : le 15 novembre à l’Espace des Arts, Chalon-sur-Saône

Conception et chorégraphie : Serge Aimé Coulibaly
Composition et direction musicale : Rokia Traoré
Livret : Felwine Sarr
Dramaturgie : Sara Vanderieck
Assistant à la chorégraphie : Sayouba Sigué
Scénographie : Catherine Cosme
Costumes : Salah Barka
Création lumière : Nathalie Perrier
Création vidéo : Eve Martin

Création et interprétation : Marion Alzieu, Ida Faho, Jean-Robert Koudogbo, Antonia Naouele, Adonis Nebié, Daisy Phillips, Issa Sanou, Sayouba Sigué, Ahmed Soura

Texte et interprétation :  Ali 'Doueslik' Ouedraogo

Musiciens : Aly Keita / Youssouf Keita (balafon), Saidou Ilboudo (batterie), Mohamed Kanté (basse), Yohann Le Ferrand (guitare) Chant Naba Aminata Traoré, Marie Virginie Dembélé

Figurants : Elimane Berthier, Isis Doumbouya, Raphael Ibrahim, Tidiane Berthier, Ahmed Kebdani, Rokhaya M’Baye, Yasmine Neya, Lena Pichot, Pape Seck, Lena Tahraoui, Zohra Aouichat, Saloua Arafate, Joseph Bance, Denis Bonhomme, Charazed Bouzidi, Raphael Caillens, Chantal Canutti, Jacqueline Cornille, Jean-Luc Coutton, Francis Dechassey, Djibril Diame, Aliou Doumbouya, Joao Fernandes, Freddy Ibrahim, Marcel Ferreres, Mouna Jaldou, Lola Braunstein, Elora Mazoyer, Cyril Mouthier, Bane N’Diaye, Nade Paolillo, Claire Ricciardi, Regis Rouit, Daniele Rudloff, Caroline Sala, Abidine Tahraoui, Fouzia Tahraoui, Lilita Vong, Fatoumata Yago-Fauguet

Régie lumière : Hermann Coulibaly
Régie son : Ralph M’Fah-Traoré
Régie vidéo : Jeremy Vanoost
Production : Laure Louvat, Hanna el Fakir
Direction technique : Jan Mergaert
Conseil artistique : Thomas Prédour

 

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