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Kalypso #7 : Le hip hop universel

Le festival hip hop en région parisienne, initié par Mourad Merzouki, prend de l’ampleur. Où le hip hop revisite son histoire et interroge son avenir.

C’est un des plus gros festivals de danse, tous genres confondus. Cinquante-deux compagnies vont quasiment encercler Paris avec leurs spectacles, du 6 novembre au 17 décembre, de Nemours à Cergy, de Tremblay-en-France à Rambouillet. Consacré à une culture hip hop de plus en plus universelle, Kalypso est le cadet de deux festivals frères, tous deux fondés et dirigés par Mourad Merzouki. Kalypso est plus jeune, mais plus grand que Karavel, le volet lyonnais.

De plus en plus, Merzouki fait avancer ses deux festivals comme une unité, avec une bonne perméabilité entre les deux, permettant à beaucoup de compagnies d’être présentes sur les deux territoires. Sans compter les échanges avec Shake, le festival rochelais de Kader Attou, toujours un frère d’esprit. Le hip hop, c’est une communauté qui ne se démonte pas. Au contraire, elle s’élargit.

 

Des Temps forts

Il y a d’abord la Soirée anniversaire qui marque « Dix ans de danse à Créteil » le 15 novembre, la Soirée Carte blanche à John Degois et François Lamargot, le 20 novembre.  Elle est créée pour laisser une place plus importante à des artistes et leur laisser libre cours à leur imagination. Ils proposent des master classes, investissent des lieux, une soirée de spectacles, qui peuvent être issus de leur répertoire ou être une création. Une soirée Internationale, le 16 novembre. pour repérer des artistes à travers le monde et  les présenter dans les festivals pour donner un côté plus international avec des artistes d’ailleurs. « J’ai voulu profiter des voyages que je fais avec ma compagnie pour repérer des artistes à travers le monde et  les présenter dans les festivals pour donner un côté plus international avec des artistes d’ailleurs. » nous explique Mourad Merzouki. Cette année, ce sera la Belgique et le Canada. Mais il y a aussi les Hip-Hop Games pour rester en lien avec le monde des battles et le Marathon de la danse, qui rassemble en une journée de 1500 à 2000 enfants concernés par ce rendez-vous.

Grands noms et grands ensembles

La 7ème édition de Kalypso se construit autour d’un nombre très conséquent de grands noms de la scène hip hop. Parmi lesquels on trouve bien sûr Merzouki et Attou, ici réunis pour Danser Casa [ notre critique], cette pièce dont on a tant parlé, où les jeunes danseurs marocains laissent leur quotidien infiltrer de vigoureux et joyeux tableaux chorégraphiques. Juste avant, pour les vingt ans de sa compagnie Käfig, Mourad Merzouki avait créé Cartes Blanches, une pièce où l’on voit revenir à lui des personnalités qui ont traversé et écrit l’histoire de la compagnie. Ils font ici escale à L’Escale, à Melun. Autres retrouvailles, celles entre Sébastien Lefrançois, figure majeure du hip hop avec sa compagnie Trafic de Styles, et Yaman Okur, devenu chorégraphe pour le Cirque du Soleil et autres Madonna. Les deux se placent à Un millimètre au-dessus du sol, en compagnie d’un pianiste, pour raconter les aventures d’Okur qui a aussi chorégraphié pour les Wanted Possee.

 

Et justement, les Wanted Possee font partie des crews historiques du hip hop français et même mondial. Ils sont de ces grands ensembles qui misent sur la transmission directe de leur énergie au public. Avec Dance NSpeak Easy, ils ressuscitent ici l’ambiance des bars clandestins américains à l’ère de la prohibition et mêlent hip hop, charleston et lindy hop, dans une chorégraphie de Njagul Hagbe, mise en scène par le sulfureux Philippe Lafeuille, qui vient par ailleurs de créer un nouveau délire scénique autour de Carmen, avec sa célèbre troupe des Chicos Mambo.

Un autre chorégraphe hip hop est allé, comme Attou et Merzouki, à la rencontre de danseurs marocains: Bouziane Bouteldja. Pour Telles quelles / Tels quels, créé en collaboration avec Coraline Lamaison, Bouteldja invite deux danseurs français à partager avec les jeunes de Casablanca cette pièce qui dialogue avec les multiples strates de l’identité personnelle et culturelle. Présenté à Kalypso en avant-première, la pièce connaîtra sa première officielle en janvier, dans le cadre de Suresnes Cités Danse.

Les reines de la piste d’Ousmane Sy (Cie Paradox-sal) vont enflammer deux plateaux (Espace 1789 à Saint Ouen et L’Embarcadère d’Aubervilliers) avec leur Queen Blood. Et dans un esprit comparable, festif  et mélangeant les styles, interrogeant les liens des hommes et des femmes avec le monde actuel, voilà  Anne Nguyen (Cie Par Terre) avec A mon bel amour, une pièce pour quatre femmes et quatre hommes.

Hip hop et classique

Une rencontre très différente est celle imaginée par Amala Dianor, entre hip hop et danse classique, pour trouver une nouvelle manière d’écrire le mouvement. Le résultat est The Falling Stardust [notre critique]. De son côté, Farid Berki cherche un nouveau langage en lorgnant du côté de Beethoven en rafraîchissant le vieux Ludwig grâce à des sons électroniques et des percussions. Sa compagnie Melting Spot compte, elle aussi, parmi les grandes références du hip hop français et leur nouvelle création, Locking for Beethoven (on y flaire le jeu de mots avec looking for) devrait réussir à nous surprendre. Troisième excursion dans ce monde musical, Muses d’Anthony Egéa met en scène deux danseuses et deux pianistes jouant Ravel, Debussy, Ravel et autres, faisant redécouvrir les rengaines les plus galvaudées (Carmen, Le Boléro…) dans des arrangements de grande finesse [notre critique].

Hip hop de l’avenir / avenir du hip hop

Si la danse hip hop commence à revisiter son histoire (et elle le fait avec émotion et douceur), elle ne cesse de se renouveler. Kalypso est aussi une plateforme pour de nouveaux talents. Soit des danseurs chevronnés comme Artem Orlov et Rachid Hamchaoui, tous les deux issus de la compagnie Accrorap de Kader Attou et Mourad Merzouki, présentent leurs premières chorégraphies, soit ils viennent de la scène des battles, comme Carmel Loanga, Bruce Chiefare. Lea Latour ou Karim Khouader. Le lancement de cette 7e édition se fait par ailleurs par un concours jeunes talents à Créteil. Car l’avenir du hip hop ne se fera pas sans de nouvelles forces créatrices. C’est la raison d’être de ce Concours Chorégraphique Prix CCN/Festival Kalypso qui récompense chaque année une compagnie émergente. Le rendez-vous réunit cinq partenaires (CCN Créteil et Val-de-Marne, TLA de Tremblay-en-France, La Briqueterie CDCN, La Fabrique de la danse) autour d’un dispositif d’accompagnement complet pour jeunes compagnies (production, formation, diffusion, accueil en résidence). En 2019 c’est la compagnie ETRA la lauréate.

Les esthétiques aussi peuvent se renouveler, notamment en ce qui concerne la présence des danseurs et le dialogue avec l’image même de l’humain et son hybridation croissante avec la technologie. Kalypso propose une expérience de ce genre avec une rencontre de deux troupes dans un grand spectacle intitulé Futurisme. Où les corps ne sont visibles qu’à l’aide de fils électroluminescents, ce qui permet de créer des effets visuels assez stupéfiants.

Un réseau international

Depuis 2017, Kalypso, Karavel et Shake La Rochelle se sont associés pour créer le Label « Passerelles » et réunir des festivals de hip hop autour d’une programmation commune. Depuis 2018, ils ont été rejoint par le festival Hop à Barcelone, et en 2019 par le Summer Dance Forever à Amsterdam et les TransUrbaines de Clermont Ferrand. Ensemble, ils permettent à une jeune compagnies d’être diffusées à l’échelle européenne dans l’ensemble des festivals partenaires. Ce qui offre aux compagnies labellisées une visiblité accrue auprès des professionnels et constitue un réseau de programmateurs sensibles et attentifs aux artistes de danse hip hop.

Enfin, et c’est tout nouveau, Mourad Merzouki a initié « Jeunes Artistes en Immersion ». Pour la première année, le festival Kalypso accueille trente jeunes danseurs, dix Chiliens, dix Egyptiens et dix Marocains pour une semaine d’immersion artistique dans le cadre de dispositifs d’accompagnement à la professionnalisation. Nous y reviendrons prochainement.

Et puis, une nouvelle (ou ancienne?) vision du hip hop s’est invitée dans le débat. La danse break pourrait devenir une discipline olympique en 2024, à l’occasion des JO de Paris! Opportunité ou réduction à un athlétisme pur, que les chorégraphes ont su dépasser depuis longtemps? Une conférence et une table ronde vont traduire les diverses tentatives de répondre à la question et de faire avancer le débat.

Thomas Hahn

7e édition de Kalypso, du 6 novembre au 17 décembre 2019
www.karavelkalypso.com

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