June Events : Kevin Jean à propos de «Derrière la porte verte»
Dans ses performances, Kevin Jean se suspend par les pieds et éprouve son corps e dialogue avec la gravité. La tête vers le bas, il habite son corps et le monde à l’envers, dans un ralenti qui révèle la gravité et notre condition de bipèdes. Kevin Jean sera au Parc Floral, samedi 13 juin à 18h30, en duo avec Nina Santes, dans Derrière la porte verte (version pour les arbres).
Danser Canal Historique: Avant de créer vos performances actuelles où vous vous suspendez par les pieds, vous avez dansé chez Odile Duboc, Yann Marussich, Alban Richard, Myriam Gourfink, Pascal Rambert, Julie Nioche et Stéphanie Aubin. Mais vous êtes venu à la danse « tardivement », comme on dit. Que faisiez-vous avant ? Comment êtes-vous venu à la danse ?
Kevin Jean: J’ai commencé la danse vers vingt-quatre ans. Avant, j’étais étudiant en éducation physique et je pratiquais l’escalade. J’étais accompagnateur en montagne. Après je me suis dit que la danse était l’endroit de la rencontre entre le physique et des questions politiques, philosophiques et artistiques. La danse m’a permis de me poser plus de questions sur le corps et le mouvement. J’ai passé ma petite enfance, jusqu’à l’âge de huit ans, sur l’île de la Réunion. D’où le fait que mes activités physiques étaient toujours en rapport avec la nature et des éléments qui échappent au contrôle et obligent à s’adapter à son environnement.
DCH: Vous présentez vos spectacles autant en salle qu’en extérieur. Pourquoi ?
Kevin Jean: Comme mon solo, Derrière la porte verte est né en intérieur. J’aime le contact avec la nature, mais j’ai donné La 36e chambre également dans des environnements urbains et en rapport avec des structures architecturales, par exemple sous un pont. J’aime confronter mon travail à des colorations que je ne maîtrise pas forcément.
DCH: Quelles différences entre une version en intérieur et en extérieur ? Est-ce que ça change votre point de vue sur l’environnement et sur votre corps ?
Kevin Jean: Être en extérieur m’apporte des stimulations supplémentaires que je dois aller chercher activement quand je me suspends en salle. Il s’agit d’un travail très sensitif. Quand il y a une lumière qui change sur une feuille parce qu’un nuage passe, ça me donne une énergie supplémentaire. Les sons, le vent, les bruits, les odeurs... tout ça me permet de continuer à éveiller les choses. Le public aussi vit avec toutes ces choses que je ne maîtrise pas et qui colorent le spectacle. En intérieur, le focus se porte beaucoup plus fortement sur mon corps, sa plastique et ce qui se passe à l’intérieur du corps.
DCH: Bouger, s’élever etc. en étant suspendu la tête vers le bas demande des efforts physiques particuliers. Vous pouvez donc quand même avoir des perceptions de ce qui vous entoure ?
Kevin Jean: C’est un va-et-vient que j’adore. Mais il est vrai que cette forme est très concentrée sur elle-même. En extérieur j’arrive davantage à me mettre dans une position d’accueil et de me faire contaminer par ce qui se passe autour. En plus, dans le duo, ou bien en trio quand nous donnons Derrière la porte verte en salle, il y a un jeu avec l’autre. On entre en contact, à distance ou en se rapprochant, dans le cadre d’une partition dramaturgique et chorégraphique. Cette interaction change à chaque représentation, et la dramaturgie se tisse autrement, selon nos états et nos envies. On explore les différentes réponses à la question des raisons de ces deux êtres qui sont là, dans cet état, peut-être depuis mille ans. Et pourtant, nous allons sortir de cet état et retrouver notre bipédie normale.
DCH: Le passage de l’intérieur à l’extérieur modifie-t-il votre rapport à la gravité ? Exerce-t-elle son régime de façon plus douce quand on est dans un arbre ?
Kevin Jean: C’est une bonne question, mais nous n’avons peut-être pas encore joué le duo assez souvent pour pouvoir y répondre.
Propos recueillis par Thomas Hahn
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