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« Jean » de Patrice de Bénédetti

Avec un solo remarquable, Patrice de Bénédetti rend hommage aux Jean. À son père, à Jaurès, ainsi qu'à tous les Jean, tous les anonymes partis au combat pendant la Première Guerre mondiale. Un sujet sérieux, qui se distingue dans la programmation du festival de Chalon dans la rue.

Il y a trois ans, Patrice de Bénédetti accompagné de Yui Mitsuhashi s'emparait de l'espace urbain et dansait sur les passages cloutés, les voies de tram ou sous les réverbères… la  démarche ne manquait pas de charme, posant de manière discrète et insolite une danse très écrite plutôt formelle.

Cette année, c'est au pied de l'imposant monument aux morts de la ville de Chalon-sur-Saône que le rendez vous est donné aux festivaliers. L'horaire matinal  permet une écoute attentive, pas encore saturée par l'offre spectaculaire et variée du festival, qui malgré une importante baisse de ses subventions, perceptible par le public d'habitués, assure une 29e édition originale et tout aussi qualitative que la précédente.

Les spectateurs qui ont eu le courage de se lever (et ils sont nombreux !) se regroupent dès 9h autour du carré esquissé devant le monument.

Photos : Eric Damiano

De loin, lentement, un homme s'avance, aidé d'une béquille, un blessé traînant lourdement sa jambe, un soldat. Tout du long, un récit l'accompagne, la lettre d'un homme à son père et au camarade. Le texte écrit (et enregistré) par Patrice de Bénédetti est magnifique et bouleversant. Il mêle l'intime à l’Histoire pour parler du combat de Jaurès pour la paix à la veille de la Première Guerre mondiale, des luttes sociales et syndicales de la classe ouvrière, dont les vies comme les espoirs seront engloutis par l'effroyable carnage de la Grande Guerre.

Photos : Eric Damiano

Le geste répond au récit, un geste rude, qui racle le sol, faisant crisser le gravier, ponctué de chutes abruptes, de déséquilibres, de reptations. C'est brut, le corps s'arc boute et se tord puis se libère quand la danse surgit épurée. Patrice de Bénédetti est intense, il est celui qui danse l'indicible, celui qui se bat, mais il est aussi le fils qui parle à son père disparu, avec tendresse. Une très grande émotion se dégage, ça remue et la plupart des spectateurs ont les larmes aux yeux. 

À la fin, l'artiste explique comment et pourquoi il a écrit ce spectacle là, à ce moment là. Il parle de son père cégétiste qui disait que la fin du monde avait eu lieu le 31 juillet 1914 avec la mort de Jaurès, il raconte aussi ce qu'il se passe quand les anciens viennent le voir danser son solo dans les villages de France. La mémoire se délie et la parole s'ouvre alors devant le monument aux morts.

Marjolaine Zurfluh

Du 19 au 22 aout, Festival des arts de la rue à Aurillac.

Blog : http://padeb.canalblog.com

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