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Interview : Nach dit pourquoi « Elles disent »

Dans sa première pièce de groupe, la chorégraphe amène le krump vers la joie et la poésie, sans nier la douleur. Explications. 

Danser Canal Historique : Comme dans vos spectacles précédents, le krump semble être le point de départ d’Elles disent, mais cette aventure collective est toute aussi liée aux personnalités de ses interprètes. 

Nach : C’est plutôt une invitation à se glisser dans un univers et à avoir des codes et des règles du jeu, pour être un chœur au sein duquel chacune peut livrer un récit. Et derrière, nous avons nos postures de chœur et d’accompagnantes. Tout ça est très proche de mon expérience du krump et c’est un peu une distorsion et un glissement de ma vision du krump. 

DCH : Il s’agit de votre première pièce de groupe et celle ci est encore largement annoncée comme un quintette, mais en comptant les danseuses sur le plateau, on s’arrête à quatre. Que s’est-il passé ? 

Nach : Au cours du processus de création, j’ai certes beaucoup évoqué la meute, mais finalement il s’est trouvé que cette meute fonctionnait mieux en quatuor. Pour le moment, c’est notre meute idéale. De toute façon, il s’agit de penser le pluriel à l’intérieur de soi. Nous sommes donc quatre, et très complices, presque une même personne. Mais qui sait, il y aura peut-être, plus tard, une cinquième et puis, un jour, une dixième… 

DCH : Au premier tableau, l’énergie des interprètes qui se présentent en krumpeuses et dans un esprit sportif, est au-dessus de toute notion du masculin ou du féminin. 

Nach : Nous faisions chaque jour une session krump pour commencer le travail et une autre pour nous dire au revoir. Et c’est pourquoi le spectacle commence par une telle session, comme une mise en corps, une connexion avec le groove et avec le public. 

DCH : Entre vous s’est donc construite une relation très personnelle et on sent une énorme complicité. 

Nach : Je suis partie du thème « elles disent », pour parler du rapport entre femmes et il était important pour moi de comprendre l’identité de ce lien avec l’autre. A l’arrivée, ce sont plutôt des corps qui s’expriment, mais ils disent la même chose, à savoir que même si la violence est parfois présente dans la vie, il faut qu’on se parle et qu’on fasse preuve de d’autodérision et de subtilité. Les corps ici disent cela, à savoir que malgré tout ce qu’on peut croiser dans la vie, on va être créatives et sortir quelque chose de drôle de cette situation. 

CH : Votre quatuor s’amuse ensemble, sans la moindre idée de compétition ou de provocation mutuelle.

Nach : Chacune est tout le temps au service des autres et nous sautons d’un rêve à l’autre. C’est justement cette complicité qui permet à chacune de sortir ces danses si particulières, par cette voie qui est une naissance autre, qui a pu parfois questionner le corps jusqu’à ce que la voix trouve sa place. Et après il a fallu comprendre comment réintégrer ce corps. En fait, les deux sont indissociables, mais ce n’est pas si évident que ça. 

DCH : La parole se taille donc une belle présence, mais de façon très différente par rapport à votre conférence dansée Nulle part est un endroit. Comment avez-vous procédé pour définir les mots qui surgissent et qui peuvent aussi nous parler de la difficulté à prendre la parole ?

Nach : En fait la parole est venue comme le krump, à savoir de façon instantanée, voire instinctive. Elle est mâchée, saccadée, interjectée. Et je me disais : Il faut laisser la place à cette voix-là ! Le texte a donc surgi de façon naturelle au cours de nos improvisations, telle une parole qui se réinvente et qui a sa propre intelligence. C’est un nouveau vocabulaire et comme nous sommes habitués à un autre langage, on peut avoir l’impression que ça a du mal à sortir, mais finalement il s’agit d’une reconstruction, avec des proposition en abécédaire, en a -b-c-d, et ce qui sortait, c’étaient nos mots à nous. Peut-être qu’on aurait pu parler de C-D, c’est de la musique, mais ce qui est sorti, c’est par exemple B-B.

DCH : Tout de même, ça fait penser à l’écriture de Gherasim Luca...

Nach : En effet, j’aime beaucoup Luca avec son côté rythmique, musical et sanguin. Il a été une découverte importante pour nous, car notre travail pour Elles disent a été accompagné de beaucoup de lecture. Et à partir de là, Flora Détraz, une artiste chorégraphique et chercheuse vocale, m’a fait découvrir Valeska Gert. Mais nous nous sommes aussi nourries de peinture, Kandinsky par exemple, et de BD érotique et même porno, avec des femmes toutes-puissantes ! 

DCH : Justement, avec Adelaïde Desseauve, dite Mulunesh, vous nous faites découvrir une danseuse d’une drôle de toute-puissance, qui surprend avec chacun de ses mouvements et est en même temps une comédienne à l’expressivité fulgurante. Elle semble avoir bu le krump avec le biberon… 

Nach : Elle vient pourtant de la danse contemporaine ! Elle a aussi travaillé avec la compagnie Black Sheep. Je l’ai découverte quand elle faisait partie des All Elements, un projet dirigé par Heddy Maalem qui s’adressait aux étudiants en danse à Toulouse. Adelaïde possède une voix et une expressivité qui sont de vrais cadeaux pour moi. Je la connais en effet depuis longtemps et à un moment de son parcours, j’ai partagé avec elle mon expérience du krump. Aujourd‘hui elle est pleinement intégrée dans la communauté krump. Elle est effectivement incroyable et j’espère continuer à travailler avec elle. 

Propos recueillis par Thomas Hahn, le 3 février 2023, à l’Atelier de Paris CDCN

Elles disent de Nach, aux Hivernales d’Avignon le 9 février 2023

2 et 3 mars Théâtre de la Croix Rousse - Festival Sens dessus dessous Maison de la Danse – Lyon .
23 et 24 mars Halles de Schaerbeek – Belgique
29 au 31 mars La Villette – Paris
12 et 13 avril Le Lieu Unique – Nantes.

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