« Intensional Particle », nouveau solo d’Hiroaki Umeda
Intensional Particle est le huitième solo de Hiroaki Umeda et s’appuie sur un univers graphique de grande finesse. Mais on attend en vain la moindre surprise chorégraphique.
Chaque événement a sa compagnie fétiche. Si Mossoux/Bonté de Bruxelles sont des incontournables à la Biennale du Val-de-Marne, le festival Exit à la MAC de Créteil fait corps avec le Tokyoïte Hiroaki Umeda, devenu un incontournable partout où l’on travaille sur la relation entre danse et arts numériques. EXIT a accueilli cette toute dernière création d’Umeda, juste après la première dans le cadre de Mons 2015, capitale européenne de la culture.
Dans Split Flow, l’ex B-Boy joue avec des effets lumineux de grande poésie, et sait varier les plaisirs. Dans le noir des lignes coloriées épousent les contours du corps, sous les pleins feux il joue avec l’apesanteur ou peut nous faire croire en quelque talent pour les claquettes qui sommeillerait en lui. À d’autres moments il brille dans un style fluide qu’on pourrait rapprocher du popping, en version arrondie et assouplie.
Son projet de recherche intitulé Superkinesis a pour but de créer un mouvement scénique fusionnel qui englobe le corps humain, les lumières et les projections. Les rayons colorés qui se baladent sur son corps dans Split Flow en témoignent, tout autant que l’interactivité entre ses mouvements et les graphismes animés dans Intensional Particle. Mais ici, la symbiose se fait au détriment de la richesse chorégraphique. De ce point de vue, Umeda régresse et donne ici l’impression de bouger surtout pour activer les mécanismes de capture de mouvement. On peut s’en accommoder en se disant qu’on assiste à l’éclosion de sa Superkinesis. Sauf qu’il n’est pas sûr que ce concept, inspiré de phénomènes observés dans la nature, constitue une avancée historique.
Les essaims de lignes, de points et de courbes se multiplient jusqu’à avaler le danseur qui les dirige. Imaginé et réalisé par le dessinateur-programmer lillois Ludovic Burczykowski, l’univers visuel décline le trait sous toutes ses formes régulières. Points, vecteurs, faisceaux et autres traces du mouvement surgissent derrière Umeda et sous ses pieds. Mais chaque figure occupe l’écran pendant tout juste quelques secondes. Face à cette instabilité, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec les ondes de choc enregistrées par un sismographe, avec le tremblement du sol qui fait perdre pied. Et finalement, les traits se densifient jusqu’à former des aplats blancs, formant un tunnel lumineux et une immersion totale, comme pour une noyade.
La création d’Intensional Particle au festival VIA a eu lieu, presque jour pour jour, quatre ans après le tsunami japonais du 11 mars 2011, un an après une première création pouvant évoquer le cataclysme japonais, à savoir Peripheral Stream créé en mars 2014 pour le LADP au Théâtre du Châtelet - lire nos compte rendus 1 et 2. Les corps y donnent l’illusion d’être traversés par les lignes et grillages fins projetés sur le fond de scène. Il y a là quelque chose de l’ordre de l’irradiation et de la désintégration qui peut évoquer Fukushima.
Il faut souhaiter que dans ses recherches sur la transcendance de corps, lumières, son et images, le souhait de créer un méta-mouvement partagé, fusionnel et originel, Umeda n’en vienne pas à oublier que la danse a avant tout besoin de recherche sur le mouvement du danseur. Sinon, pourquoi créer de nouvelles pièces, pourquoi ne pas remplacer le danseur même par une créature numérique ? Après tout, son increvable While going to a condition, créé en 2002 dans le cadre de la Yokohama Dance Collection, qui l’a révélé illico aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis de la même année, est toujours en tournée.
Thomas Hahn
4 avril 2015 - MAC de Créteil, dans le cadre du Festival EXIT
Split Flow & Intensional Particle
De et avec Hiroaki Umeda
son et lumière : S20
Production : S20
Coproduction : Le Manège Mons - Le Manège Maubeuge Scène Nationale, La Gare Numérique - Jeumont, La Maison des Arts de Créteil, Mapping Festival - Genève, Stéréolux - Nantes.
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