« Innesti » d’Annamaria Ajmone
L’institut culturel italien de Paris offre chaque mois une résidence à un jeune artiste - italien, bien sûr. En décembre 2015, l’invité a été la chorégraphe Annamaria Ajmone qui s’est inspirée des lieux de l’Hôtel de Galliffet, acquis par l’état italien en 1909, pour une création in situ.
Le dialogue artistique avec des espaces de vie est aujourd‘hui au centre des recherches de cette jeune chorégraphe montante de la scène italienne. Nous l’avions par ailleurs souligné dans nos colonnes suite à sa performance à la Biennale de Venise de 2015.
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C’est avec grand intérêt que nous l’avons retrouvée, dans un cadre on ne peut plus différent, mais dans la même idée de créer un lien chorégraphique avec des espaces non-théâtraux. L’ensemble de la performance, créée à l’Istituto Italiano di Cultura et placée sous le titre d’Innesti, est inspiré des réflexions d’Heidegger sur la façon dont l’homme habite un espace donné, à travers son lien au monde.
Cet essai publié en 1951 est une réflexion sur notre relation au temps, à l’habitat et à l’environnement, traversé par des pensées spirituelles et écologistes avant la lettre. Et l’intérêt d’une création in situ est justement de révéler l’âme d’un lieu et ses aspects cachés. Cela peut se faire en se cachant soi-même, comme Ajmone l’a démontré ici par deux fois, à commencer par le jardin de l’institut, dans le noir, jouant avec son apparition en s’éclairant elle-même à l’aide d’une petite lampe.
Le public resta à l’intérieur, la regardant à travers la baie vitrée dans une ambiance musicale de dub jamaïcain. Ensuite, on retrouva Ajmone nichée dans la cheminée d’un salon, comme si elle était entrée là, à la manière du Père Noël. Mais nous l’avions vue entrer par la porte, sans s’en cacher le moins du monde, l’enjeu n’étant pas de créer une fiction mais de composer avec des espaces de caractère très différents.
Au dernier de trois tableaux, dans le salon d’honneur de l’institut, entre colonnes de marbre, dorures et miroirs, Ajmone lance la fête et flirte avec la transe. Une allusion aux fastes et aux bals d’une autre époque ? Là encore elle se laisse balancer par des rythmes de reggae, genre musical qui limite la créativité chorégraphique plutôt que de la stimuler.
Mais c’est justement la finitude qui crée le lien entre la danse et chacune des trois présences, en jouant avec la dissolution physique de l’être, que ce soit dans l’obscurité, dans l’espace se refermant ou par l’infusion dans un espace ouvert, traversé par les siècles.
Après Ajmone, qui a par ailleurs reçu le prix 2015 de la revue Danza&Danza dans la catégorie Interprète émergent en danse contemporaine, l’institut accueillera en septembre 2016 la chorégraphe Irene Russolillo.
Thomas Hahn
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