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« Hello to Emptiness » de Stephanie Thiersch

Le Théâtre de Nîmes a accueilli une version spectaculaire de ce rite mortuaire très vivace, marquée par des artistes coréennes d’exception. 

Sept danseurs-chanteurs, un chœur amateur de dix seniors, un musicien aux instruments coréens et une authentique chamane du Pays du Matin calme, telle était la distribution absolument exceptionnelle pour la nouvelle création de Stephanie Thiersch. Le titre, lui, n’annonce en rien une telle plénitude : Hello to emptiness. « Saluant le vide » serait une traduction poétiquement équivalente. 

De quel vide est-il donc question ? La chorégraphe de Cologne s’intéresse ici au deuil. Comment gérons-nous le vide laissé par une personne qui nous quitte à jamais ? Comment l’accompagnons-nous vers la disparition ? Ou bien, pouvons-nous lui offrir un passage paisible vers l’autre monde, comme le font les chamanes en Corée ? Avec toutes ces questions en tête, Thiersch s’est intéressée aux miroloï grecs, ces chants funèbres évoquant la force du destin. 

La chamane et le chœur des aînés

L’ouverture se fait par le chœur des aînés : dix chanteurs – tous des amateurs âgés de plus de 70 ans – assis au fond, sur des balançoires, dans une image de suspension et de calme, forts d’une sérénité qui arrive de loin. C’est beau, sobre et d’une grande poésie. Ensuite Hello to emptiness  nous en met plein la vue. Côté images, c’est Byzance. Côté voix, on se régale avec entre autres la chanteuse grecque Martha Mavroidi et le danseur Julien Ferranti, contre-ténor au corps de chanteur d’opéra. Tel un Othello il domine les scènes de libation autour du plan d’eau. 

La danseuse coréenne Hyerim Jang qui vient de la danse traditionnelle est aérienne au possible, dans un solo au bord du vide, qui contrebalance l’opulence autour du bassin. Et Hye-Kyung Min, chamane, chanteuse et danseuse au rang de Trésor national coréen, traverse le plateau sur un chemin aérien fait de tissus blancs, symbolisant le fleuve qui mène les âmes vers l’au-delà. Mais aussi présente que la culture coréenne ait pu être lors de cette représentation si particulière au Théâtre de Nîmes, Hello to Emptiness  est une fresque, si ce n’est une mosaïque, profondément universelle. La scène est ici autant en Grèce qu’en Afrique ou en Asie, et elle est de toutes les époques et de toutes les rencontres, comme celle entre un chant grec et une danse coréenne ou entre des accents de danse Sabar et du chant Pansori. 

Galerie photo © Sandy Korzekwa

Baptême et funérailles

Si le thème est notre relation avec la mort, la vie naît en même temps et s’affirme dans la volonté à construire un vivre-ensemble On crie son opposition aux barbares et à l’alliance internationale du crime et forge une alliance mondiale du rituel et de l’accueil. Les énergies et cultures se bousculent un peu, du tragique au satirique, des funérailles d’Etat au baptême, accompagnés de la musique liant tradition et contemporanéité de Dongyun Lee sous les lumières de Begona Garcia Navas qui s’accordent parfaitement avec les couleurs pastel des costumes pour un salut assez printanier au départ et au vide. 

La mauvaise nouvelle est qu’on ne reverra sans doute jamais Hello to Emptinesss  dans l’abondance de cette configuration exceptionnelle, présentée à Nîmes. La présence des quatre artistes coréens témoigne du parcours de ce projet qui est né à l’Opéra National d’Athènes et passé par la Corée du Sud avant d’arriver à Nîmes. La pièce continuera sa vie européenne avec les autres, danseurs-chanteurs de Grèce, d’Ukraine, d’Espagne et de France et avec le chœur des aînés, à chaque fois recruté dans la vile d’accueil, tous réunis par une chorégraphe allemande qui a tant étudié et travaillé en France et fait partie du Conseil Culturel Franco-Allemand. Le public aussi contribue à ce projet à géométrie variable, en laissant sur une page web dédiée ses pensées autour de l’absence et de la mort, lesquelles peuvent à leur tour trouver leur chemin dans la matière artistique de cette pièce en évolution permanente. 

Thomas Hahn

Vu le 8 novembre 2022, Théâtre de Nîmes, salle Bernadette Lafont

Création, chant et danse : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, Julien Ferranti, Manon Parent, Mariana Sadovska, Martha Mavroidi, Hyerim Jang, Gyung Moo Kim et Hye-kyung Min, Dongyun Lee

Et la participation d’un chœur amateur : Françoise Kerjean, Claude Richel, Didier Labarde, Dominique Tresseide, Any-Claude Meunier, Françoise Larribe, Michèle Taulelle, Cécile Hilkman, Myriam Daumas, Sylvie Mandica

Création lumière et direction technique : Begoña Garcia Navas
Costumes : Lauren Steel
Création son : Nicolas Baudoux
Artistes associés : Kepha Oiro avec Ogoya Nengo et Mzee Bushohi
Construction décor : SOFTROCK / João Parrinha

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