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Hedda d’Ingun Bjørnsgaard au Ballet de Lorraine

Inconnue en France mais reconnue en Scandinavie,  seule chorégraphe norvégienne à avoir reçu deux fois le prix de la critique dans son pays, Ingun Bjørnsgaard pour sa première création en France, en l’occurrence au Ballet de Lorraine a choisi de s’inspirer de la pièce Hedda Gabler d’Enrik Ibsen. Ce drame bourgeois de 1891, met en scène le désastre d’une femme corsetée par la bienséance, obsédée par son rang social, aspirant pourtant à assouvir ses désirs et ses fantasmes jusqu’à pousser son ex-amant au suicide et finalement s’autodétruire. Explorant avec finesse cette figure de l’hystérique très 19e siècle, dont le malheur n’a d’égal que son désir d’être insatisfaite, perversion générée la place laissée aux femmes dans la société, Ingun Bjørnsgaard réussit à composer un personnage à la féminité ambivalente et trouble, disséminée dans le corps des seize danseurs du Ballet de Lorraine.

Flottant presque dans un salon austère au décorum fané, baigné par des lueurs de clair-obscur (habiles lumières de Luts Deppe !), les danseurs évoluent comme en quête d’une identité à laquelle se raccrocher. Le climat est angoissant à souhait, suspendu à cette société désœuvrée et futile, placardée par les apparences. Hedda apparaît comme une femme-enfant gâtée, fragile et impérieuse, se pliant à ses caprices et se heurtant à ceux des autres, ballotée de l’un à l’autre mais reprenant la main d’un seul cabrement des reins, hautaine « une furie androgyne sous antidépresseur » comme aime à la qualifier Ingun Bjørnsgaard. Intelligemment pensé et scénographié, les autres danseurs prêtent aussi corps à cette hystérique en mal de miroirs et de retours. La gestuelle passant de l’un à l’autre dans des duos ou des trios électriques, palpitants où se glisse toute la complexité des rapports amoureux. L’écriture de la chorégraphe qui ne choisit pas entre classique et moderne est tout à fait inédite sous nos latitudes. Une  sorte de fluidité syncopée qui laisse respirer la chorégraphie, des portés au ras du sol, des faiblesses sensuelles, des défaillances du corps qui vont jusqu’à l’anéantissement.

Le Ballet de Lorraine brille dans ce curieux huis-clos à seize et démontrent leur excellence technique et leur capacité d’adaptation à des styles différents. Seul bémol, leur difficulté à dire un texte. Il faut avouer qu’il n’était pas aisé de trouver le ton juste pour déclamer un texte comme s’il était en voix off avec naturel.

C’était le troisième programme élaboré par son nouveau directeur Petter Jacobsson, après La Ribot-Monnier et Twyla Tharp-Gisèle Vienne pour cette saison consacrée aux femmes et à la question du féminin en danse. Un éclectisme ambitieux, très réussi dans sa diversité et merveilleusement soutenu par les danseurs du Ballet.

Agnès Izrine

23 au 25 mai 2013 - Opéra de Nancy

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