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« Giselle » par le Ballet de l'Opéra de Paris

Il s’en est fallu de peu que Giselle ne disparaisse à jamais. Créé à l’Opéra de Paris le 28 juin 1841, par Carlotta Grisi et Lucien Petipa, le ballet de Jean Coralli et Jules Perrot est repris régulièrement jusqu’en 1849 puis très épisodiquement jusqu’en 1868, date à laquelle il est retiré de l’affiche. Heureusement Marius Petipa, frère cadet de Lucien, a l’idée de le remonter en 1884 au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, moyennant quelques aménagements chorégraphiques. Il renforce notamment la scène de la folie et recompose la scène des Wilis. C’est d’ailleurs lui qui va les mettre sur pointes.

Amandine Albisson et Stéphane Bullion dans Giselle.

Il faut néanmoins attendre l’arrivée des Ballets Russes en juin1910 pour qu’elle revienne à l’Opéra de Paris, dansée par Tamara Karsavina et Vaslav Nijinski. On ne le réalise pas toujours, mais en 1910, Marius Petipa est encore vivant (il mourra le 14 juillet !). Cependant, il faudra attendre 1924 pour que Jacques Rouché, alors directeur de l’Opéra, le réinscrive à son répertoire, et l’arrivée de Serge Lifar pour qu’il triomphe dans sa version de 1932.

Giselle marque l’apogée du ballet romantique du XIXe siècle qui oppose systématiquement le réel au fantastique, et surtout deux visions de la femme : la terrienne et l’éthérée, la vierge folle et la vierge sage, la païenne et la chrétienne. Bien que les rôles ne soient pas aussi marqués qu’Odette et Odile du Lac des Cygnes, Giselle demande presque autant de subtilité pour passer du premier au deuxième acte dit « blanc ».

Amandine Albisson, qui incarnait Giselle le soir de la Première (en remplacement de Myriam Ould-Braham) s’est révélée une grande étoile.
Techniquement, elle est parfaite. Elle peut tout se permettre.

Formidable interprète, sachant tout exprimer d’un regard, elle nous a séduits en petite paysanne timide et ingénue, bouleversés dans sa scène de la folie d’une rare justesse. Avec elle, on on oublie le théâtre, les astuces chorégraphiques qui déforment les pas pour manifester la folie, tant elle est dans son personnage. Chaque geste est un souvenir douloureux. Pas la moindre grimace, juste un léger désaccordement dans la belle coordinnation  de ses mouvements.

 Dans le 2e acte, elle sait glisser la froideur de la mort et le regret de la vie dans chacun de ses ports de bras, et insuffler de l’émotion dans ses adages. Même si l’Albrecht de Stéphane Bullion n’a pas son intensité ni sa facilité.

Le reste de la distribution est somptueuse et l’attention portée aux « seconds » rôles un atout supplémentaire. Sans doute, et bien qu’elle ne prenne ses fonctions officiellement en septembre, peut-on y deviner la « patte » de la nouvelle directrice.

Galerie photo : Julien Benhamou/OnP

Charline Giezendanner et François Alu sont formidables dans le Pas de deux des Vendangeurs. D’ailleurs ce dernier a été ovationné par le public. Il faut avouer que ses sauts et ses tours impeccables ont tout pour impressionner. On finit même par oublier qu’il est affublé d’un costume qui ne le met pas en valeur (c’est le moins qu’on puisse dire !).

Galerie photo : Svetlana Loboff/OnP

La Myrtha de Valentine Colasante est impériale, Fanny Gorse et Héloïse Bourdon en assistantes de la Reine des Wilis sont excellentes. Vincent Chaillet campe un Hilarion qui n’a rien d’effacé, arrivant à faire de ce plutôt « mauvais » rôle un personnage attachant.

Et même Berthe, la mère de Giselle (jouée par Anémone Arnaud), ou Wilfried, l’écuyer d’Albrecht (Sébastien Bertaud) personnages plus que secondaires, deviennent intéressants. Les ensembles sont parfaitement réussis par un Corps de ballet en grande forme. Ce Giselle est un vrai bonheur, et Lionel Delanoë qui a coaché les étoiles, les ensembles réglés par Viviane Descoutures et Clotilde Vayer, maître de Ballet associé à la direction ont fait merveille.

Agnès Izrine

28 mai 2016, Opéra Garnier. Jusqu'au 14 juin 2016.

 

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