« Full on Forsythe », par le Boston Ballet
William Forsythe a présenté le 7 mars à Boston sa nouvelle création mondiale, Playlist (EP), à voir du 9 au 11 avril prochain au théâtre des Champs-Elysées dans le cadre de la tournée à Paris du Boston Ballet.
Dans le froid hivernal de Boston, la façade historique de l’Opera House rayonne d’un éclat chaleureux. Ce jeudi 7 mars, on s’y presse pour la première Full on Forsythe. En résidence depuis 2016 au Boston Ballet à l’invitation de son directeur Mikko Nissinen, le plus européen des chorégraphes américains présente un programme en trois parties : la reprise spécialement revisitée pour la compagnie de l’iconique Pas/Parts, l’entrée au répertoire du superbe Blake Works 1, et la création mondiale de Playlist (EP). De quoi mesurer l’évolution récente de celui qui, au tournant des années quatre-vingts, révolutionna les codes du ballet.
A cet égard, Pas/Parts 18 fait figure de repère. Créée en 1999 pour le Ballet de l’Opéra de Paris, la pièce avait été l’une des dernières de son auteur à puiser au vocabulaire classique, avant une série d’expérimentations plus radicales menées ensuite avec la Forsythe Company. Cet enchaînement virtuose de solos, duos, trios et ensembles affiche tous les signes distinctifs de la Forsythe touch : impeccable précision des gestes, étirement à l’extrême des corps, travail sur les déséquilibres, le tout sur une partition très contemporaine de Thom Willems. Décomposant et recomposant sans cesse les éléments d’un puzzle chorégraphique, les danseurs s’y livrent à un véritable festival de pas et d’énergies.
Galerie photo © Angela Sterling
Mais là où la première version de la pièce soulignait d’abord la pure géométrie des figures, la troupe bostonienne, portée notamment par ses interprètes féminines, offre en prime une sensualité et une douceur quasi voluptueuses. Sur fond de cha cha cha, la séquence finale conjugue la rigueur des lignes et le déhanché du swing, dans une préfiguration emballante de la suite du programme.
Dansé pour la première fois par la compagnie américaine, Blake Works I, créé en 2016 par le Ballet de l’Opéra de Paris, semble en effet reprendre l’ouvrage là où dix-sept ans plus tôt Pas/Parts l’avait laissé. Si la succession de trios, duos et ensembles est dotée de tous les attributs stylistiques évoqués plus haut, l’austérité musicale de Thom Willems a laissé place aux séduisantes mélodies du songwriter anglais James Blake, la grammaire classique s’encanaille par moments d’une gestuelle de battle, et les déhanchés prennent des poses de clubbing.
Galerie photo © Angela Sterling
Flirtant avec l’entertainment tout en dressant un catalogue précis du vocabulaire de l’école française, Blake Works I se tient à l’équilibre parfait du plaisir, de l’exigence et de la beauté.L’engagement physique des Bostoniens n’est pas moindre que celui des danseurs parisiens et les reprises à venir devraient permettre de consolider encore leur maîtrise technique, dans une œuvre physiquement bien plus virtuose qu’il n’y paraît.L’engagement physique des Bostoniens n’est pas moindre que celui des danseurs parisiens et les reprises à venir devraient permettre de consolider encore leur maîtrise technique, dans une œuvre physiquement bien plus virtuose qu’il n’y paraît.
Au moment de la création de Blake Works I, quelques grincheux avaient pincé le nez en déplorant une pièce trop séduisante pour être honnête. Ceux-là risquent de faire encore plus la grimace devant Playlist (EP). Car la pièce s’inscrit dans une veine purement divertissante qui évoque irrésistiblement Broadway, les musicals, et ces shows télévisés devant lesquels le jeune Bill dansait adolescent.
Galerie photo © Angela Sterling
Le chorégraphe n’en oublie pas pour autant son vocabulaire académique, mais il l’inscrit avec une musicalité parfaite sur les tubes US d’hier et d’aujourd’hui - la fameuse playlist du titre - au point de le rendre complètement intemporel.
Costumes flashy bleus et roses, final jambes levées façon revue, sourires aguichants des girls : à mi chemin entre Las Vegas et Petipa, comme l’écrit le critique du New York Times, Forsythe s’amuse et s’autorise la liberté de celui qui a déjà osé toutes les révolutions. Pour en revenir à l’essentiel : la joie irrésistible de danser.
Isabelle Calabre
Vu le 7 mars 2019 au Boston Opera House à Boston (USA).
Le Boston Ballet est en tournée à Paris au théâtre des Champs-Elysées du 9 au 11 avril 2019 avec Pas/Parts 2018 et Playlist(EP) en création française, ainsi que Wings of Wax de Kylian.
Catégories:
Add new comment