Forsythe, Kylian, Scholz, Ballet de l’Opéra national du Rhin
Ouverture de saison en beauté au théâtre de la Sinne à Mulhouse pour le Ballet de l’Opéra du Rhin, avec un programme consacré aux « Grands chorégraphes européens » Uwe Scholz, Jiri Kylian et William Forsythe.
Sous l’égide de cette prestigieuse trinité, Bruno Bouché, récemment nommé à la tête du CCN/Ballet de l’Opéra national du Rhin et ex-danseur de l’Opéra de Paris, entendait célébrer la réinvention d’un certain langage académique, celui qui marie une solide culture classique à la volonté non moins puissante d’en renouveler les formes. Les trois artistes convoqués pour cette première avaient d’ailleurs chacun été interprètes au Ballet de Stuttgart de John Cranko, dont le souffle de modernité et le rayonnement dans la galaxie de la danse ne sont plus à démontrer.
Au travers de leurs œuvres respectives, Jeunehomme, 27’52’’ et Quintett, Bruno Bouché posait ainsi d’emblée « les bases d’un ballet européen du XXIe siècle », projet au cœur de son mandat et de sa programmation. Si l’on en juge par la qualité de la représentation donnée le 19 octobre, il dispose pour ce faire d’une troupe à sa mesure. Les trente-deux danseurs de la compagnie, renouvelés pour un tiers la saison passée par le nouveau directeur, affichent en effet une ductilité et un enthousiasme plus que prometteurs. Bouillonnant de jeunesse dans un Jeunehomme à l’écriture acrobatique, ils se glissent ensuite sans difficulté apparente dans les strates du temps d’un 27’52’’ tout juste entré à leur répertoire, qui concentre la plupart des thèmes récurrents de Jiri Kylian. Entre les plis et replis des pans d’étoffe - rideaux ou tapis - qui découpent l’espace-temps, les pas de deux se chargent peu à peu d’une densité mystérieuse, jusqu’au sublime duo final interprété avec force par Anna-Maria Maas et Marin Delavaud.
Dernière œuvre de la soirée, le magnifique Quintett de William Forysthe laissait en revanche un léger goût d’inachevé dû à l’absence sur scène, pour raisons techniques, de la fameuse trappe. Ce dispositif, synonyme du vide qui se creuse inéluctablement sous les pas des interprètes, fait écho à la mort de l’épouse du chorégraphe au moment où ce dernier créait sa pièce. Il revenait donc aux interprètes d’incarner plus intensément encore cette métaphysique du tragique, mission particulièrement ardue lorsqu’il s’agit d’une entrée au répertoire.
Les prochaines séries de représentations, à Colmar et Strasbourg, devraient permettre cette nécessaire maturation, dans la lignée d’une soirée inaugurale ambitieuse qui donnait le la en matière d’exigences et de talents.
Isabelle Calabre
Vu à Mulhouse le 20 octobre
A Mulhouse du 19 au 22 octobre, au Théâtre de Colmar les 4 et 5 novembre et à l’Opéra de Strasbourg du 14 au 19 novembre.
Programme présenté dans le cadre de la Biennale de Danse Grand Est Exp.Edition
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