Finale de la 3ème édition du concours de jeunes chorégraphes de Ballet à Biarritz
Organisé par le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et le CCN Malandain Ballet Biarritz dans le cadre du Pôle de Coopération Chorégraphique du Grand Sud-ouest, avec le CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin, le Concours de jeunes chorégraphes de Ballet exerce une forte attractivité auprès de nombreux talents européens. Il connait un développement important confirmant sa pertinence ainsi que l’existence d’un vivier prometteur de jeunes chorégraphes revendiquant un attachement au Ballet, en France, en Europe et à l’international.
En l’espace de seulement trois éditions et malgré des critères de sélection assez élevés, le nombre de candidatures a considérablement augmenté : 32 candidats en 2016, 40 en 2018 et 66 en 2022. Les profils des 14 femmes et des 52 hommes ayant postulé présentent une diversité importante soit 27 nationalités, la plupart européenne, dont 14 français.
Comme pour les premières éditions, la sélection des six finalistes, (tous issus de pays différents), s’est avérée difficile pour Bruno Bouché, Thierry Malandain et Eric Quilleré au regard de la qualité des propositions.
Les six finalistes
- Kaloyan Boyadjiev, bulgare, 44 ans, Norwegian National Opera and Ballet
- Andrew McNicol, britannique, 29 ans, The McNicol Ballet Collective
- Andrew McNicol, britannique, 29 ans, The McNicol Ballet Collective
- Sophie Laplane, française, 38 ans, récemment artiste en résidence au Scottish Ballet
- Lucas Valente, brésilien, 31 ans, danseur au Zurich Ballett
- Houston Thomas, américain, 27 ans, second soliste au Dresden Semperoper Ballett.
- Jorge García Pérez, espagnol, 34 ans, Soliste au Ballett Theater Basel
- Lucas Valente, brésilien, 31 ans, danseur au Zurich Ballett
- Houston Thomas, américain, 27 ans, second soliste au Dresden Semperoper Ballett.
- Jorge García Pérez, espagnol, 34 ans, Soliste au Ballett Theater Basel
Le programme
Alors que la canicule sévissait sur Biarritz, il était fort agréable d’assister en milieu d’après-midi à cette finale à la Gare du Midi climatisée.
La première bonne surprise fut offerte par le jeune et fort talentueux chorégraphe Martin Harriague qui a œuvré toute la soirée en tant que maitre de cérémonie. Avec humour et une formidable présence, le lauréat de la première édition a astucieusement présenté cet événement face à une salle quasiment pleine et aux membres du jury composé de :
- Xenia Wiest, lauréate du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet en 2016, aujourd’hui directrice du Ballett X-Schwerin(Allemagne)
- Ingrid Lorentzen, directrice du Norwegian National Ballet
- Éric Quilleré, directeur du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux
- Bruno Bouché, directeur du CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin et
- Thierry Malandain, directeur du CCN-Malandain Ballet Biarritz
Ouverture avec Umbra de Lucas Valente. Sur des musiques de Junkie XL la pièce débute avec trois danseurs éclairés en douche par un rond de lumière. Trois individus coincés dans leurs pensées luttant contre les souvenirs de leurs vies passées, les regrets, la peur et la lutte. Une quatrième interprète intervient sur pointes et la danse se développe dans une incroyable rapidité tout en dessinant très clairement l’intrigue de la pièce. Son prix lui permettra de créer une œuvre au CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin.
En second, place à Andrew MCNicol dont Of Silence est bien trop classique et sans dramaturgie alors qu’il prouve posséder une réelle notion du ballet avec de bons interprètes.
Formidable surprise ensuite avec Houston Thomas et son excellent Follow the white rabbit. Cinq danseurs aux costumes qui font songer à un jeu de robots, se lancent dans une chorégraphie pleine de risques donc terriblement osée où chaque geste, chaque tour, chaque portée, chaque saut... est effectué avec une rare maitrise dans un rythme d’enfer. Inspiré du film The Matrix, le jeu s’accélère, comme si nous étions en pleine partie sur notre ordinateur. Réalité virtuelle, technologie, tout est incroyablement bien décrit et l’on arrive à se demander qui va gagner. Finalement, un être s’écroule. Game Over ! Alors qu’il vient de fêter ses 27 ans, Houston Thomas est une formidable découverte qui va révolutionner la danse d’autant plus qu’il réussi en seulement onze minutes à signer une œuvre dont la dramaturgie est magnifiquement bien pensée. Les applaudissements ont fusé. Il remporte la création d’une pièce au Ballet de l’Opéra national de Bordeaux.
En s’inspirant des Trois sœurs de Tchekhov, Sororibus de Kaloyan Boyadjie pose un regard sur le monde intérieur et les sentiments des trois sœurs. Sur la musique d’Arvo Pärt, cinq danseurs et danseuses expriment avec intelligence ces états d’âmes dans une chorégraphie intéressante qui se décline entre solos et pas de deux très bien exécutés. De très belles et intelligentes idées. Élu pour le prix de Biarritz, il reçoit une bourse de 15 000 €.
Puis Distorted Seasons de Jorge García Pérez interprété par sept bons danseurs et danseuses sur Les Quatre Saisons recomposée par Max Richter. Le chorégraphe s’est perdu en voulant imposer des costumes peu cohérents tout comme sa danse qui se veut trop confuse entre distorsion et réinvention.
Final avec Sophie Laplane et son délirant Oh ! Les mains sur du Mozart. Ses danseurs du Scottish Ballet n’ayant pas pu venir en France à cause d’une grève d’avion, elle a répété sa pièce une semaine avant le concours avec les danseurs du Malandain Ballet Biarritz. En s’inspirant du mythe de Pygmalion en passant par Les femmes de Stepford, roman satirique d’Ira Levin, la jeune femme française joue sur la relation entre le créateur et son œuvre, sur la domination et la tendresse avec une douce fantaisie. Elle ne fait aucun cadeau aux six danseurs tant son écriture chorégraphique est d’un éternel dynamisme, tant elle leur impose des pas incroyables entre glissades, tours et sauts invraisemblables, équilibres fous, déplacements rapides et énergie fulgurante. Même si son thème se perd un peu dans les méandres de tant d’intentions, le résultat est séduisant. Le public et les professionnels ont voté pour elle.
Les résultats
Après un entracte de seulement un quart d’heure, il était étonnant de rejoindre si vite la salle car il était impossible d’avoir dépouillé les urnes du vote du public et des professionnels en si peu de temps.
Et Martin Harriague revient sur le plateau tout d’abord afin de présenter des vidéos d’extraits de pièces des lauréats de 2016 et 2018. Puis, nous expliquant qu’il devait « meubler » car les résultats du concours n’étaient pas encore disponibles, il s’est lancé dans une « improvisation » remarquable. Et l’on a retrouvé Martin danseur pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Puis, sur scène les membres du jury ont annoncé :
- Houston Thomas, américain, 27 ans, soliste au Dresden Semperoper Ballett créera une œuvre au Ballet de l’Opéra National de Bordeaux.
- Lucas Valente, brésilien, 31 ans, danseur au Zurich Ballett créera quant à lui une œuvre au CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin.
- Prix de Biarritz : Kaloyan Boyadjiev, bulgare, 44 ans, du Norwegian National Opera and Ballet s’est vu attribué le prix de Biarritz, soit une bourse de 15 000 € dotée par la Caisse des Dépôts.
- Le public a décerné son prix de 3 000 € alloué par la Fondation de la Danse à Sophie Laplane, française, 38 ans, artiste en résidence au Scottish Ballet.
- Prix des Professionnels : Doté d’une somme égale par le Fonds de dotation Malandain pour la Danse, ce prix décerné par les critiques de danse et directeurs de théâtre a également été attribué à Sophie Laplane.
Ajoutons qu’Houston Thomas était fou de bonheur avouant que c’était la première fois qu’il présentait une pièce devant 800 personnes alors qu’il est plus habitué à jouer dans des petites salles.
Il est important de préciser que le point commun de toutes ces pièces était la dynamique du mouvement que ce soit sur pointes ou non. Un après-midi chaleureux et de jolies et intéressantes découvertes de chorégraphes de demain.
Sophie Lesort
Vu à Biarritz dimanche 17 juillet 2022
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