« Fiasco » du Collectif ÈS
Le trash comme concept artistique vient de la musique rock britannique. Quelle allure prend-t-il chez des amuseurs chorégraphiques français ?
L’esprit punk est-il soluble dans la danse contemporaine ? Peut-on imaginer un Johnny Rotten ou un Sid Vicious chorégraphique ? Leur musique anti-système et leur look anti-fashion ont déclenché un mouvement underground à partir 1975 dont on a pu apercevoir, en France, peu de temps après, une version bling bling et sérieusement embourgeoisée, le punk chic. L’idée des Sex Pistols de chanter l’hymne national God Save the Queen en version destroy était une provocation substantielle et pourtant, malgré des tentatives de censure, le 45 tours était le plus vendu de son temps aux Royaume Uni.
Galerie photo - Répétitions © Romain Tissot
Punk not dead ? Punk is carnival, et l’esprit du Collectif ÈS est plutôt dada : ne craindre le moindre fiasco chorégraphique ou esthétique, s’élever par-dessus tous les préconçus d’un soi-disant mauvais goût, être iconoclaste justement là où toutes les icones ont déjà été dévastées, trouver toutes les portes ouvertes et leur tomber dessus avec tout le poids de l’irrévérencieux. Les uniformes des hommes dans Fiasco sont un déguisement ludique et les tailleurs, colliers et diadèmes des danseuses ciblent la royauté. Mais la Queen n’est plus, la période punk non plus.
La révolution iconoclaste n’est plus une nécessité vitale, mais une occasion de s’engouffrer dans la brèche créée par les Sex Pistols, de tirer la langue et faire des doigts d’honneur à la Marseillaise et autres hymne de l’EU, dans un déluge d’autodérision. Si les Sex Pistols ont exercé une influence majeure sur la musique rock, le Collectif ÈS fête son ÈS-prit à la manière d’une bouteille de champagne bien secouée qui asperge son entourage. Ça tombe bien, les représentations aux festivals Faits d’Hiver et Sens Dessus Dessous ont lieu en saison de carnaval !
A Lyon, Fiasco tombe la semaine de mardi-gras, et semble même inspiré par le titre du festival. Car, on l’aura compris, il n’y a rien que les huit larrons ne mettraient pas sens dessus-dessous. De là à qualifier de fiasco cette parade de « principes physiques, spatiaux ou esthétiques venant de ce qui n’est pas accordé », comme ils disent, il n’y a qu’un pas de côté ou autre saut dans le vide, à faire en compagnie de la joyeuse ribambelle qui n’a pas peur de se casser la gueule et rebondit toujours au 2e degré. Après tout, l’un des grands tubes des Sex Pistols se nommait tout simplement Silly thing.
Thomas Hahn
Vu au festival Faits d’Hiver, Espace 1789 de Saint-Ouen, le 24 janvier 2023
Au festival Sens Dessus Dessous de la Maison de la Danse de Lyon : le 24 février 2023
Création et direction : Collectif ÈS
Pièce créée et interprétée par : Adriano Coletta, Julie Charbonnier, Sidonie Duret, Martín Gil, Sophie Lèbre, Jeremy Martinez, Emilie Szikora et Joan Vercoutere
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